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appris la philosophie avec Hotho, Michelet, Werder, Althaus, Harms, Gruppe, Dühring et autres, le droit avec Rudorff, Heydemann, etc., etc., etc. Puis il se lance dans le wagnérisme et publie huit opuscules ou ouvrages ; il publie également de la musique et se fait photographier en format de cabinet à l’usage de ses admirateurs etc… Ensuite il se plonge dans la philosophie…, et, aveu touchant, il éprouve quelque peine à se faire prendre au sérieux. Cependant les esprits géniaux (le prospectus en nomme neuf) avaient compris sa valeur, et quand parut, en 1881, le livre qu’accompagne la réclame sur papier rose, l’un des neuf ci-dessus désignés écrivit que l’auteur était « un philosophe allemand éminent par son savoir et sa pénétration. » S. M. le roi de Bavière, dès 1876, lui faisait des gracieusetés !

Un si beau génie ne pouvait échapper aux traits de la noire envie…, mais il en triompha… Il voyage… Il voit mourir son père âgé de soixante-dix ans… Sa mère est encore en vie, dit le prospectus. — Il est temps de passer à la doctrine du glorieux enfant de Gieboldehausen.

En métaphysique, M. von Hagen est pour Kant et Schopenhauer, mais sait éviter le pessimisme du second, rejette toute théorie de la création et toute explication mécanique de la vie, telle que les doctrines cartésiennes, les tendances de Leibnitz-Herbart-Lotze-Fechner et le spiritisme. En logique, en dialectique et par la science de l’esprit, il est hégélien. Au point de vue de la philosophie de la nature, il adopte les idées de Darwin et de Hæckel. Il considère le cosmos comme un tout organique avec Herschel, Mædler et Zollner. Il proteste contre la vivisection, et cela avec un « sérieux redoutable qui fait de lui le fondateur d’une différence essentielle entre son éthique et toutes les éthiques qui ont précédé (sic), » Edmond von Hagen nous déclare encore qu’il est ennemi de la frivolité et de la moquerie. Je m’en doutais. En architecture, il est pour le style roman ; en peinture pour Véronèse et Raphaël ; il est également pour Kaulbach et Gabriel Max, en musique pour Wagner etc… En politique, pour Bismarck.

Enfin M. Edmond von Hagen nous ouvre galamment les secrets de son cœur. Sachez que, malgré son mérite, les femmes lui faisaient froide mine, et cela lui causait une amère douleur. Enfin, en mai 1884, il rencontre à Berlin une jeune silésienne, Mlle Anna Kitzig ; il se fiance à elle immédiatement, l’épouse au bout de trois mois et va cacher son bonheur dans une jolie habitation, où il se livre aux travaux de la philosophie… et à la rédaction de jolies notices en couleurs, de la nature de celle dont nous venons de donner une idée bien imparfaite.

Après ce réjouissant factum, nous craignons que l’étude de l’Examen critique des doctrines principales du christianisme[1] ne paraisse un peu fade. En voici toutefois la division : I, l’esprit du christianisme en général ; II, de l’idée chrétienne de la coulpe ; III, de la doctrine de la conscience ; IV, de la doctrine chrétienne du salut ; IV, de la doctrine

  1. In-8o, LVI et 120 pages.