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clique Æterni Patris[1] ; elle serait rentrée directement dans le travail que notre collaborateur, M. Secrétan, a récemment consacré ici à la Restauration du Thomisme, et cependant elle n’est point encore la dernière, comme on le verra tout à l’heure.

M. Bourquard estime que l’encyclique Æterni Patris est arrivée à point : le plus grand désordre, nous déclare-t-il, régnait dans l’enseignement de la philosophie, même au sein des établissements ecclésiastiques. Ainsi une Revue autorisée (au point de vue catholique) avait énoncé cette opinion que, en matière de mathématiques, de physique et de chimie, il n’y avait point lieu de faire intervenir la théologie ou la religion ; M. Bourquard s’en indigne. « À ce compte, le Christ, notre Seigneur, ne serait donc pas le restaurateur de la science humaine ; certaines sciences ne lui appartiendraient pas ; elles ne seraient « ni laïques, ni cléricales », elles seraient neutres ! » Nous voyons immédiatement, d’une part, que les sympathies de M. Bourquard étaient acquises d’avance à la décision pontificale, d’autre part, qu’il est disposé à interpréter celle-ci dans le sens le plus étroit, le plus contraire à une conciliation avec la recherche indépendante.

Voici la division du présent travail : I, Les antécédents de l’Encyclique ; II, Publication de l’Encyclique ; III, Doctrine spéculative de l’Encyclique ; IV, De l’accord entre la science moderne et les principes philosophiques de l’Encyclique. — Conclusion.

Je m’empresse de dire que l’examen du chapitre IV, qui constitue à la fois la portion la plus considérable et la plus importante de l’œuvre de M. l’abbé Bourquard, ne justifie pas les appréhensions que faisaient, à juste titre, concevoir les déclarations ci-dessus rapportées. L’écrivain, sans doute, maintient énergiquement la pensée du docteur du xiiie siècle, mais il sait fort bien, quand cela est nécessaire, n’en garder que l’intention, telle qu’elle lui apparaît. Ainsi ce qu’il reproche avant tout à la science moderne, — et l’on accordera que ce n’est pas se montrer bien exigeant, — c’est d’écarter la recherche des causes premières et des fins dernières. Plût à Dieu, dirons-nous à notre tour, qu’elle pratiquât cette exclusion d’une manière plus décisive ! Alors nous ne verrions pas mis en circulation dans des œuvres dites de vulgarisation, de prétendus axiomes de physique et d’astronomie qui sont de la métaphysique honteuse. Et je ne suis pas, d’autre part, fort éloigné de donner raison à M. Bourquard quand il déclare qu’ « il ne saurait y avoir, ni sur l’objet formel de la science, ni sur la méthode de le saisir, une opposition inconciliable entre la physique du passé et la physique moderne. » Ce que soutient ici l’auteur de l’ouvrage que nous examinons, c’est une vue d’Aristote, que le spiritualisme universitaire n’a pas reniée. — En matière astronomique, saint Thomas, sans doute, sur les traces d’Aristote, a défendu la centralité avec l’immobilité de la terre. Mais il suffira qu’on l’entende de la centralité intellectuelle et morale de l’homme dans le

  1. In-8o, 137 pages.