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revue générale. — histoire et philosophie religieuses.

quoi les États de l’Église ont produit moins d’artistes et surtout d’écrivains que mainte autre partie de l’Italie. » Il me semble apercevoir dans ces lignes le défaut de la cuirasse ; avec M. Dejob, je rends volontiers hommage à des tentatives sincères, inspirées par un point de vue élevé, et je passe l’éponge sur certaines petitesses, seulement je retourne absolument les termes du problème et je dis que, si Rome et la Curie avaient été réellement les centres d’un mouvement fécond et durable, les preuves en auraient apparu tout d’abord à Rome même et dans les environs immédiats. C’est précisément au loin et à distance que le zèle un peu borné de fonctionnaires de plus de bonne volonté que d’intelligence risquait de contrarier l’impulsion partie de la capitale ; il me semble donc difficile de voir dans la tentative de contre-réformation morale et religieuse dont Rome a été le centre après le Concile de Trente, les caractères d’un mouvement vraiment vigoureux, de ceux qui marquent une ère nouvelle dans l’histoire des idées et des institutions. Si la France y réussit mieux, c’est, sans doute aussi, qu’elle puise en elle-même l’impulsion, beaucoup plutôt qu’elle ne la reçoit du dehors. Et il me semble que M. Dejob en fait lui-même l’aveu, bien que cet aveu infirme quelque peu la raison d’être de son sous-titre. Voici les lignes que j’appelle une sorte d’aveu : « Le meilleur effet de l’influence de Rome sur notre patrie, fut de piquer celle-ci d’émulation ; car, chez nous, la réforme intellectuelle s’opéra surtout par une voie différente. » C’est, en effet, à la France que M. Dejob consacre ses dernières pages, et cette conclusion offre le défaut de ne guère consister qu’en généralités, au rebours du corps de l’œuvre qui, sous sa forme aisée, est constamment nourri. C’est la France qui a réalisé l’idéal du Concile du Trente ; elle l’a même dépassé ! « Les pères du Concile du Trente, s’ils avaient pu ressusciter pour contempler cette admirable littérature, qui illustrait le catholicisme avec un éclat incomparable, auraient avoué sans peine qu’elle surpassait leurs espérances, » Ce n’est point le lieu de discuter une appréciation, qui a sa part de vérité, mais dont le caractère excessif saute aux yeux. Non, le siècle de Louis XIV ne présente pas le type du catholicisme que nous voudrions pour les temps modernes : complaisant au pouvoir, adversaire de la critique religieuse qu’il étouffe dans l’œuf par une saisie policière, panégyriste de la persécution religieuse, voilà les côtés sombres d’un Bossuet ; quant à Fénelon, sa physionomie semble plus sympathique au premier abord, mais de récents travaux ont fait ressortir la duplicité de son caractère. Je regrette que M. Dejob, après avoir su nous intéresser à une œuvre et à une époque qu’il a eu raison de considérer comme inconnues et méconnues, ait risqué de compromettre le succès incontestable de son volume par une fin qui ne vaut pas le reste.

M. l’abbé Bourquard était préparé, par son volume de la Doctrine de la connaissance, d’après saint Thomas d’Aquin, à dire son mot sur la récente encyclique du pape Léon, recommandant d’enseigner la philosophie de saint Thomas d’Aquin. Son étude est intitulée : l’Ency-