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duction à l’histoire littéraire du siècle de Louis XIV[1]. Voici d’ailleurs, dans des termes que nous empruntons directement à la préface, la justification de la thèse de M. Dejob ou plutôt l’indication exacte de la tâche qu’il s’est proposée : « Il vint un moment où l’inspiration partie de la Judée sembla épuisée ; le paganisme, sous le nom de Renaissance, aspirait à reprendre la direction des esprits. La Réforme retrempa la foi, mais parmi les nations qui demeurèrent attachées à Rome, on put craindre que le scepticisme et la dissolution ne frappassent le christianisme de stérilité. Mais, cent ans après la mort de Luther, une de ces nations, la France, produisit une génération d’écrivains, qui, par un effort de génie et de vertu, retrouva la perfection classique et la piété des temps des Pères de l’Église. Ainsi, dix-sept siècles après sa naissance, le christianisme déployait une fécondité inattendue, et cette merveille se produisait précisément dans la communion catholique qui, un siècle plus tôt, semblait menacée de mort. — Or, voici l’objet de notre livre : nous ferons voir que cette œuvre, si heureusement accomplie par la France, avait été tentée, quelques années auparavant, par d’autres peuples catholiques ; que l’Italie, notamment, pour répondre aux intentions formelles du Concile de Trente, s’était proposé de restaurer les études religieuses, de ramener l’esprit chrétien dans la littérature, dans la musique, dans les arts du dessin, et que, jusqu’ici, on n’a pas tenu assez de compte d’une entreprise à laquelle ont concouru des hommes tels que Baronio, le Tasse, Palestrina et le Dominiquin. D’autre part, nous expliquerons pourquoi le succès ne répondit alors qu’imparfaitement aux espérances, et pourquoi la France, après s’être associée, dans une certaine mesure, à la tâche de ses coreligionnaires d’outre-mont, a mieux réussi quand elle l’a reprise pour son propre compte. »

M. Dejob traite successivement de la restauration des études théologiques, des efforts faits pour réformer l’éloquence de la chaire, de l’expurgation de la littérature profane, de l’attitude de l’Église à l’égard du théâtre, des arts, de la littérature contemporaine. L’ensemble du tableau est aussi neuf et, par places, curieux, qu’il est présenté sous une forme aimable. L’auteur cependant ne dissimule point que les efforts de la contre-réformation, particulièrement en Italie, ne répondirent ni au talent ni à l’intelligence de ses promoteurs. M. Dejob s’en explique avec sa bonne foi et sa modération constantes : « La contre-réformation fut dirigée à la fois par un sincère, un ardent désir de réédifier le catholicisme sur les bonnes mœurs et la science, et par une préoccupation méticuleuse de défendre l’orthodoxie et l’honneur du corps ecclésiastique. Or, de ces deux dispositions, la première était de nature à produire, même au loin ; une féconde émulation ; la seconde, plutôt propre à intimider, à paralyser les esprits, devait surtout faire sentir ses effets dans les limites de la domination directe du Saint-Siège. La surveillance ombrageuse de l’autorité ecclésiastique explique pour-

  1. In-8o, III et 413 pages.