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revue générale. — histoire et philosophie religieuses.

Ainsi, dans une note jetée au talon du volume, je trouve expédiée en dix lignes une question que M. Grætz aurait dû s’imposer d’aborder et de traiter de front. La religion juive est-elle intolérante ? Contrairement à une assertion de M. Renan, accusant les Israélites d’avoir les premiers donné l’exemple d’une persécution pour cause de religion, M. Grætz dit que « les Israélites n’ont point imposé leur religion aux Cananéens et que ce n’est pas d’eux, par conséquent, mais de Jésabel (épouse d’un roi de Samarie, qui a voulu introduire par la force le culte des dieux de la Phénicie), que les chrétiens ont reçu la tradition d’intolérance qu’ils ont appliquée si cruellement à partir du ive siècle aux païens et aux Juifs. Il est vrai qu’Elie aussi a fait massacrer les prêtres de Baal, mais il n’a fait qu’user de représailles envers les instrument de Jésabel. Encore a-t-il été blâmé pour cet excès de zèle… » Cette prétendue réponse n’est qu’une défaites indigne du talent, de la haute situation et de l’impartialité reconnue, de M. Grætz. Quoi qu’il en dise et veuille, il y a dans l’Ancien Testament, à mainte page, un levain d’intolérance et de persécution dont il s’agissait, pour un historien des idées, de déterminer la portée et le sens exact. M. Grætz traite de légende la prétendue extermination des Cananéens lors de l’occupation de leur territoire par les Israélites, et nous partageons sa façon de voir ; mais, ce qu’il ne saurait traiter de légende, c’est la complaisance avec laquelle les écrivains bibliques ont évoqué ces boucheries pour marquer leur horreur du mélange avec l’étranger. Il y a pour le philosophe un mystère dans ce double caractère du judaïsme, perpétuellement balancé entre le fanatisme et le libéralisme, caractère qui se retrouve aussi dans le christianisme et dont, jusqu’à nouvel ordre, j’estime qu’il n’a pas été sans prendre le germe dans la religion dont il est issu lui-même. On ne saurait supprimer, sans un parti pris évident, l’un des termes du problème, de façon à en assurer la solution dans un sens conforme à des préférences personnelles.

M. J. Denis, l’auteur bien connu de l’Histoire des théories et des idées morales dans l’antiquité, a été incité par l’énoncé d’une question mise au concours à l’Académie des sciences morales et politiques, à étudier d’une façon approfondie la philosophie du grand théologien Origène ; de là l’œuvre considérable dont il vient de nous gratifier[1]. Voici le programme qu’avait dressé l’Académie : « Exposer la doctrine philosophique d’Origène. Recueillir les idées philosophiques répandues dans les commentaires sur toute l’Écriture et dans l’apologie du christianisme contre Celse. Examiner s’il y a lieu d’attribuer les Philosophumena à Origène. Remonter aux différentes sources de la philosophie d’Origène, particulièrement à Philon et à Clément d’Alexandrie. Signaler l’influence que la philosophie d’Origène a exercée sur les doctrines philosophiques et religieuses de la seconde moitié du iiie siècle et sur celles des siècles suivants. Apprécier la valeur de cette philosophie au

  1. In-8o, 720 pages.