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revue générale. — histoire et philosophie religieuses .

On sait combien la question du basque ou euscarien préoccupe les linguistes en peine de trouver, sinon à de bien grandes distances, des idiomes de même famille. Eh bien, c’est le basque que M. Sanchez Calvo appelle à résoudre l’énigme des origines de la linguistique et de la mythologie, à expliquer les noms des dieux, ceux du nord comme du midi, du levant et du couchant, qui se coudoient dans le titre complet de son livre, ainsi conçu : Les noms des dieux Ra, Osiris, Bel, Jéhova, Elohim, Melkart (il n’y en a pas moins de vingt-sept, suivis d’un inquiétant etc., etc.)…, recherche touchant l’origine du langage et des religions à la lumière de l’euscarien et des idiomes touraniens. Le basque possède, en effet, un mot bero, qui est sans doute une forme dérivée, mais qui a conservé, ce qui est l’important, sa signification primitive, qui est celle de chaleur. Or ce n’est là que l’onomatopée du ronflement de l’eau qui bout, ber. « Il faut, dit l’auteur, nous identifier à la manière de voir et de penser de l’homme primitif. Nous en avons la clé dans cette philosophie qui animait toute la nature… Nos lecteurs comprendraient donc parfaitement qu’un phénomène aussi insignifiant que l’ébullition de l’eau pût produire et produisît sans doute une grande surprise dans la famille préhistorique. Celle-ci demeura convaincue que l’eau soumise à l’influence du feu s’animait et vivait. « Cette syllabe ber, qui prend bientôt le sens de chaleur, vie, bruit uni à l’idée de feu, est à la base du plus grand nombre des mythologies. À le bien prendre, elle ramène à l’unité leur apparence de multiplicité et de complication infinie, en même temps que, sur le terrain de la linguistique, la même et irrésistible syllabe forme le trait d’union entre des langues de la structure la plus différente, touraniennes, sémitiques, indo-européennes, américaines, océaniennes, etc. »

Ce n’est point M. Bourquin qu’on accusera d’avoir sacrifié sur les autels de la fantaisie étymologisante ou mythologisante ; c’est, au contraire, en appliquant à un objet déterminé des connaissances linguistiques précises qu’il a produit une œuvre très méritoire et très utile. Le sous-titre du Brahmakarma est Rites sacrés des Brahmanes[1] ; c’est la liturgie exacte du culte quotidien suivie presque sans modification dans l’Inde tout entière, que le savant indianiste s’est proposé de nous faire connaître.

« Chacun sait, dit M. Bourquin, avec quel soin jaloux les Brahmanes ont toujours cherché à garder le plus grand secret, relativement à leurs rites sacrés, tels que les ablutions quotidiennes, le service des dieux et des démons, le culte des mânes, l’investiture du célèbre cordon sacré, etc., et que ce n’est que depuis fort peu de temps que l’on a réussi à soulever quelque peu ce voile d’Isis. Encore faut-il confesser que la plupart des ouvrages publiés par des Européens, portent le cachet de leur origine occidentale, ce qui n’est pas étonnant, vu les difficultés que rencontre tout non-Indou à entrer complètement dans l’esprit du

  1. In-4o, de 145 pages.