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n’y a presque aucun instant de la nuit ou du jour où nous n’éprouvions le besoin de la médecine : ainsi, que nous nous promenions, ou que nous soyons assis, que nous nous fassions des onctions, ou que nous prenions un bain, que nous mangions, ou que nous dormions, ou que nous veillions, en un mot, quoi que nous fassions, pendant tout le cours de la vie et au milieu des diverses occupations qui s’y rapportent, nous avons besoin de conseils pour employer cette vie d’une manière utile et sans inconvénients, or, il est fatigant et impossible de s’adresser toujours aux médecins pour tous ces détails[1] ». Il s’agit évidemment de l’introduction de l’hygiène dans le programme de l’école. Athénée ne l’exige que pour les jeunes garçons. Ces idées sont fort élargies de nos jours : l’enseignement de l’hygiène est reconnu indispensable, et il se pratique non-seulement dans l’enseignement secondaire, mais dans les écoles primaires et dès l’âge de sept ans. L’absolue nécessité de l’enseignement des principes élémentaires de l’hygiène dans toutes les écoles, y compris les classes inférieures, a été reconnue au dernier congrès international de Genève, en 1882. Si l’on considère les notions élémentaires d’hygiène comme indispensables pour des enfants de sept ans, on est autorisé à examiner la question de savoir, si les enfants en plus bas âge ne doivent point les recevoir aussi. Herbert Spencer donne une réponse positive à cette question. Il accorde la première place, parmi les problèmes vitaux qu’aborde l’éducation, à la méthode préparant à la conservation immédiate de soi-même. Partant de l’idée de Spencer, j’ai essayé sur mes trois enfants, dès leur âge le plus tendre, l’analyse de l’instinct de la propre conservation ; et je suis arrivé à la conclusion que ce côté du développement intellectuel peut être d’une utilité pratique dans l’hygiène de l’éducation. Voici comment je m’y suis pris. J’ai tâché d’attirer l’attention de l’enfant sur ses sensations individuelles dans diverses conditions, en lui indiquant les symptômes les plus saillants et les plus faciles à observer de différents phénomènes. Je faisais, par exemple, remarquer à l’enfant, pris de sommeil, la pesanteur de ses paupières ; lorsqu’il était en transpiration ou lorsqu’il avait froid, on lui démontrait les indices de ces états, et l’on essayait en outre d’attirer son attention sur la localisation subjective des certaines sensations physiologiques, comme celle de la faim, de la soif, de la satiété, etc. Ces exercices fournissent des sujets utiles de conversation, et servent de sources pour enrichir l’enfant de plusieurs connaissances concrètes ; ils forment d’ailleurs chez lui la conviction générale de l’existence d’un lien entre la santé de

  1. Œuvres complètes d’Oribase, t.  III, p. 164.