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ne se rapporte pas à l’œil qui suit les mouvements du pendule, ni à la main qui tâche de le saisir, mais plutôt à ces centres supérieurs dans lesquels se produit la combinaison des impressions, leurs perceptions et leurs transformations en impulsions sensées, volontaires. C’est ainsi que l’on peut expliquer, d’une manière satisfaisante, l’interruption brusque de la coordination compliquée, la disparition momentanée des mouvements adaptés et leur remplacement par de brusques et d’irrationnels. Ces derniers rappellent, par leur caractère, les mouvements impulsifs. Lorsque la fatigue envahit les centres d’idées, les centres de coordination volitionnelle, les mouvements en question apparaissent subitement. La meilleure preuve que la fatigue atteint précisément les centres mentionnés et non pas les autres, c’est que la fatigue d’autres centres (de la rétine, de la musculature, etc.) apparaît peu à peu ; tandis que celle des centres d’idées, ou des centres de coordination idéo-motrice, survient brusquement et est caractérisée non par l’abaissement de la qualité du travail, mais par sa cessation complète, par des pauses absolues, comme le prouve l’ouvrage de M. Exner[1]. Lorsque la fatigue psychique apparaît ainsi chez l’enfant, toujours actif et en mouvement, son travail musculaire cesse d’être précis, coordonné d’une manière intelligente et devient désordonné, impulsif.

C’est dans les jeux que le degré d’intelligence de l’enfant se laisse percevoir. Les enfants intelligents et non irritables, ceux qui ne pleurent pas, et qui jouissent d’un bon sommeil, montrent beaucoup de variété dans leurs jeux et un entraînement instinctif dans leurs passe-temps. En revanche, chez ceux qui sont irritables, mal nourris, on remarque souvent la routine et l’uniformité dans leurs jeux. Il est évident que chez ces derniers les résultats pédagogiques des jeux se traduisent par des progrès moins marqués et que leur esprit laisse entrevoir moins de génie inventif. Mais il se montre d’assez bonne heure chez les enfants une autre particularité, qui s’accentue plus fortement par la suite : il paraît notamment que plusieurs de leurs divertissements deviennent habituels, routiniers, immuables, et que l’enfant ne s’y arrête que pour passer le temps, et non point pour apprendre et progresser dans son savoir. C’est comme si l’occupation de l’enfant perdait le caractère instructif des jeux et devenait un passe-temps dénué de sens. Il paraît que cette même propriété, qui s’appelle plus tard la paresse, se montre de très bonne heure,

  1. Exner. Allg. Physiologie der Grosshirnrinde, in Hermann’s Handb. ii Bd. 2 Hft, p. 287. (Physiologie de l’écorce cérébrale. — Article dans le Manuel de Physiolog. rédig. p. Hermann.)