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Selon l’opinion de la plupart des observateurs[1], les jeux des garçons et des filles diffèrent dans l’origine en ceci, que les filles s’adonnent plutôt au jeu des poupées, c’est-à-dire à cette sorte de jeux que nous avons placés dans le troisième groupe, tandis que les garçons montrent de bonne heure un esprit plus indépendant, et qu’on observe dans leurs jeux beaucoup plus d’imagination et d’esprit inventif. Ce fait ne peut être expliqué qu’en admettant que chez les filles le processus de la reproduction des idées s’accomplit moins facilement, et qu’elles sont obligées de faire plus d’exercices que les garçons pour les raffermir. La variété des inventions, des imaginations dans les jeux des garçons permet de supposer chez eux une plus grande facilité dans le processus du penser abstrait. Ces différences se montrent dans la seconde année de la vie. Cela s’accorderait avec l’opinion de M. Preyer, qui affirme que les filles apprennent à parler de meilleure heure et sans contredit surpassent les garçons par un développement plus subtil du sentiment, mais qu’elles se montrent plus tard moins aptes que les garçons au développement du raisonnement logique et aux abstractions d’un ordre supérieur[2]. Il faut remarquer, cependant, que cette règle présente beaucoup d’exceptions. Ces exceptions se font remarquer pendant l’enfance, et elles persistent durant toute la vie : il y a des femmes, capables de raisonnements profonds, et des hommes, doués d’un développement émotionnel très subtil.

Les problèmes, poursuivis par l’enfant dans ses jeux et divertissements ont une grande valeur éducative pour sa pensée ; ils fournissent en effet à l’enfant non pas une distraction ou un passe-temps inconnu pour lui, mais bien une étude et un travail intellectuel. Les jeux de l’enfant sont l’école de son raisonnement, de sa pensée ; le génie créateur et l’imagination qu’il laisse entrevoir dans ses jeux ne sont que des phases différentes de l’évolution intellectuelle. Il est facile de comprendre que l’une et l’autre manière de jouer peuvent grandement alléger pour l’enfant les difficultés du développement intellectuel.

À l’aide des jeux, l’enfant s’approprie, outre la facilité du raisonnement, des connaissances concrètes élémentaires, dont les plus saillantes sont les suivantes :

1o L’étude du mouvement des objets.

2o L’étude des dimensions et des distances.

3o L’étude de la force et de la coordination de ses mouvements propres sauts, courses, actions de mouvoir divers objets, etc.

  1. Vierordt, loc. cit., p. 479.
  2. Preyer, loc. cit., p. 222.