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où il paraît n’être question que des choses touchant des sentiments, il s’agit en réalité du raisonnement pur. Lorsque l’enfant fait tomber sa poupée, la fait pleurer, mourir, etc., dans tout cela c’est l’abstrait qui l’intéresse, c’est la conception pure des procédés correspondants qui l’attirent. Ainsi nous trouvons dans les jeux et les divertissements des enfants des problèmes purement intellectuels. La seconde particularité des jeux de l’enfance consiste dans leur changement perpétuel, qui est d’autant plus prononcé que l’enfant est plus jeune. L’activité de l’enfant paraît complètement inepte au premier aspect. Si toutefois on cherche à approfondir le sens intime des actions infantiles, on réussit dans la plupart des cas à le découvrir, et l’on se persuade que ce changement d’objets, auquel se porte l’attention de l’enfant, est soumis aux lois de l’association des idées. L’absence de discernement entre les divertissements et les exercices sérieux, ou bien entre l’observation pure des choses qui l’entourent et l’activité émanant de la création et de la fantaisie, constitue une autre particularité de l’activité de l’enfant. Pendant l’âge le plus tendre, c’est la conception passive des impressions extérieures qui prédomine, les mouvements de cette période offrent le caractère d’actes instinctifs et impulsifs. Plus tard, avec la formation de la volonté et de la conscience, il se joint peu à peu à la conception des impressions extérieures l’immixtion de la volonté, ce qui change et complique énormément les rapports de l’enfant avec le milieu qui l’entoure. Son activité se produit alors par cette manifestation caractéristique que l’on désigne sous le nom de jeux et de divertissements. À cette époque cependant, une partie considérable de ses manifestations psychiques porte aussi le caractère de conceptions pures ou objectives.

Nous allons éclairer cette pensée par un exemple. Lorsque vous tenez un enfant devant une pendule qui marche, et qu’intéressé par le mouvement du pendule, il le suit avec la précision d’un mécanisme automatique, ses yeux oscillant à droite et à gauche, ce n’est de sa part qu’une simple observation. Chacun sait que le jeune observateur ne reste point dans cette situation passive et qu’il prend bientôt un rôle actif, celui d’expérimentateur, pour employer le langage de M. Preyer ; ou pour employer le langage ordinaire, on dirait que l’enfant ne se contente pas de l’observation simple et qu’il veut se faire un joujou de la pendule, qu’il la convertit en objet de divertissement. L’observation simple passe dès lors au second plan devant des problèmes nouveaux émanant de l’imagination de l’enfant. Nous trouvons ainsi dans les jeux et les divertissements un mélange continu et d’objectif et de subjectif, de sérieux et de capricieux, d’obser-