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yeux, regard langoureux, immobilité relative de la mimique. L’analyse de son état intellectuel donne les résultats suivants : le visage tourné constamment du côté de la lumière vers la fenêtre et les yeux largement ouverts, prouvant la soif de la lumière et le plaisir que cette impression procure à l’enfant. La succion des doigts et la lumière lui procurent, à ce qu’il paraît, le plus de plaisir ; et c’est par ces impressions que l’enfant essaie d’adoucir ses sensations désagréables et ses souffrances. La disparition de la lumière attriste le petit patient. Son regard est fixé au loin et les yeux peu mobiles ; il est très évident qu’il ne recherche que la lumière et qu’il se contente de cette sensation élémentaire, sans fixer des objets concrets, sans les contempler, sans porter ses yeux d’un objet à l’autre. Il n’y a point de diversité dans l’activité de ses organes des sens, et cela prouve que son travail intellectuel se meut dans des limites très étroites. L’enfant rappelle, par son intelligence extrêmement bornée, des enfants de deux à trois mois. Des faits analogues s’observent pour des impressions d’un autre genre. Les sons ne produisent pas la tension des muscles, ne raniment point son attention, ne le tirent pas de son apathie habituelle ; de sorte que son travail intellectuel reste dans un état retardé, peu développé. Le retard du développement névro-psychique est surtout constaté par l’absence des larmes, par l’expression du visage, par une participation très faible des grands zygomatiques dans la mimique, et enfin par le penchant de l’enfant à ne percevoir que des impressions élémentaires, et par son dégoût ou son incapacité pour les conceptions et les observations compliquées.

L’infatigable activité intellectuelle qu’on appelle vulgairement jeux ou récréations sert, pendant la première enfance, d’instrument ou de principal auxiliaire au développement intellectuel. Plus tard, lorsque l’enfant apprend à parler, il vient s’y joindre un nouveau moyen de développement — la conversation avec les adultes.

Les jeux de l’enfance, de même que plusieurs autres faces de la vie infantile, n’ont pas été l’objet d’investigations scientifiques : l’utilité en a bien été reconnue, mais leur essence même et leur signification sont toujours restées inexpliquées. On les envisageait le plus souvent comme une sorte de gymnastique, parfois comme un instrument pour exercer les organes extérieurs des sens, et l’on a apprécié à ce point de vue leur utilité et leur nécessité.

Galien donne l’explication scientifique du jeu de balle dans son livre : De exercitatione parvæ sphæræ. Mais la médecine classique s’occupait des jeux chez les enfants d’un âge plus avancé et laissait de côté les jeux de la première enfance. Les auteurs modernes essayent