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sens quelconque, il se produit une fixation de l’appareil correspondant pour bien percevoir cette impression ; lorsque ensuite la perception continue, et que le travail cérébral se reflète sur la musculature du visage, alors nous sommes autorisés à donner à l’ensemble de ce processus le nom de première apparition de la conscience, de la raison. Telle est la définition physiologique de la conscience, nous ne nous occuperons pas de sa définition métaphysique. Ce qui a été dit de la vision s’applique tout aussi bien à l’ouïe et aux autres organes des sens. Ainsi, la mimique faciale ranimée, la fixation du regard, le resplendissement des yeux, mais surtout l’ensemble de ces éléments contribuent à former l’expression de l’intelligence. Ces signes extérieurs sont des indices d’un travail interne, de celui de la pensée. Un indice de plus, qui se montre plus tard, c’est celui de l’attention intense, qui se traduit à l’extérieur par la contraction plus accentuée de plusieurs muscles. L’attention est accompagnée d’un certain état émotionnel que M. Preyer désigne sous le nom d’émotion d’étonnement ; la signification en a été constatée avant lui par les psychologistes. M. Preyer a trouvé que cet état, au plus haut degré de son développement, est accompagné de l’immobilité momentanée des muscles. Selon mes observations, l’étonnement, ou plutôt l’émotion psychique qui accompagne le processus de l’attention, est surtout caractérisée chez les enfants par la suspension momentanée de la respiration, phénomène qui, saute pour ainsi dire, aux yeux, habitués que l’on est à la respiration accélérée des enfants. La force et la candeur de l’attention sont en raison directe des progrès intellectuels de l’enfant.

Le troisième indice d’un développement intellectuel satisfaisant est fourni par l’apparition anticipée d’émotions d’un ordre plus haut. Les enfants se trouvent offensés, lorsqu’en badinant on les menace du doigt, ou lorsqu’on leur dérobe quelque objet qui leur appartient, etc. ; mais ce penchant à s’offenser apparaît beaucoup plus tôt chez les enfants intelligents. Cependant, il est indispensable de remarquer que le succès du développement intellectuel de l’enfant ne sert aucunement d’indice du progrès intellectuel futur, ne présage point les talents ou le génie à venir. Ce développement peut aussi bien être anticipé, hâtif, que l’apparition prématurée et anormale des affections dont nous avons déjà parlé. C’est le temps qui décide.

Tout le développement ultérieur ne présente que les détails de ces mêmes principes et de ces mêmes processus que nous venons d’exposer. Plus ces processus sont vifs, continus, persistants, plus nous concédons de génie et d’intelligence à l’être nouveau. Tel est le tableau extérieur de l’intelligence de l’enfant, ou plutôt de son