Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 19.djvu/411

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
407
Dr SIKORSKI. — l’évolution psychique de l’enfant

fortement la peau en haut et contribue à former, sous la paupière inférieure, un pli et un bourrelet[1] qui impriment au visage de l’enfant un caractère de vieillesse. Ce caractère est plus prononcé encore pendant l’acte de la succion. Le visage infantile est empreint au surplus, d’un cachet particulier à la suite de la contraction fréquente et accentuée du muscle frontal, cachet qui rappelle le jeu de physionomie du singe. Au second et surtout au troisième mois de la vie, on observe sur le visage infantile la contraction, de plus en plus prépondérante, des grands zygomatiques, ce qui lui imprime une expression agréable, gentille et gaie et forme le premier trait de l’intelligence, le premier indice, qui permette à l’observateur d’accorder à Penfant quelque germe de conscience. C’est vers le même temps, et parfois plus tôt, que la lèvre supérieure cesse de se retrousser et de s’élever, et que l’ouverture buccale devient plus petite. L’expression suçatoire du visage se transforme peu à peu en expression mimique ; mais c’est surtout par les mouvements coordonnés des yeux, qui viennent s’y joindre, que la physionomie de l’enfant reçoit le cachet incontestable de l’intelligence. Les enfants nouveau-nés, comme on sait, ne savent point diriger leurs yeux ; mais dans les premières semaines de leur vie se développe la faculté de pouvoir coordonner les mouvements des deux yeux et de pouvoir les fixer sur un point donné immobile ; plus tard apparaît la capacité de suivre du regard l’objet mouvant, et enfin l’accommodation. Tout cet ensemble des conditions extérieures de la vision s’établit définitivement vers la fin du deuxième mois de la vie. Il existe un parallélisme évident entre la coordination de lappareil visuel et le développement du mimisme facial, qui vient d’être décrit. Dès que l’enfant a appris à bien fixer l’objet, à accommoder l’œil, on observe chez lui la contraction accentuée des grands zygomatiques, ce qui donne à son visage une empreinte d’un sourire faible, ou bien une expression de physionomie agréable, sensée. C’est le premier reflet de la raison dans la mimique de la physionomie, produit de l’impression visuelle. Si l’on approche de loin un objet lumineux quelconque (une bougie par exemple) de la figure de l’enfant, âgé de deux à trois mois, celui-ci recherche la lumière, la fixe ; sa mimique faciale se ranime, les muscles du corps se tendent, le visage prend une expression sensée, le resplendissement des yeux y ayant contribué en partie. L’observateur constate à la suite de tous ces phénomènes le commencement de la conscience. Ainsi, lorsque à la suite d’une impression extérieure, frappant un

  1. La formation de ce pli chez les adultes a été analysée par Duchenne, Mécanisme de la physionomie humaine, Paris, 1876, p. 86.