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tion près de deux heures de suite (l’enfant se réveillait sous l’impulsion de la faim) ; il a été de seize heures dans les vingt-quatre heures et souvent même il a duré davantage.

Durant le troisième mois, l’enfant a dormi quatorze heures par jour. Au trente-septième mois, il a dormi de dix à douze heures dans la nuit et n’a plus dormi pendant toute la journée[1].

Pour pouvoir dormir tranquillement, l’enfant doit-être isolé de toutes influences périphériques, visuelles, auditives, et, comme le conseille M. Combes, olfactives[2].

L’observation d’enfants qui dorment peu, par suite des douleurs de dentition par exemple, prouve que l’enfant maigrit malgré son appétit. Son attention est sensiblement affaiblie. En général, les enfants qui ne dorment pas assez sont plus maladifs, plus pleurnicheurs et beaucoup moins développés intellectuellement que ceux qui sont bien portants.

À l’exception du temps du sommeil et du temps où l’enfant est de mauvaise humeur, — ce dernier pouvant être très long par défaut de soins assidus, — l’enfant bien portant emploie tout le reste de son temps au travail intellectuel, qui consiste en observations, jeux et divertissements. La soif d’observation et la passion, avec laquelle l’enfant s’adonne à son travail intellectuel, sont bien connues. Mais comment surgit en lui la capacité du raisonnement ?

Les premiers germes de la conscience et de ce processus qui s’appelle le penser, le raisonnement, n’apparaissent que dans le second quart de la première année ; et l’incubation de cette période imprime un cachet d’intelligence sur tout l’extérieur de l’enfant et spécialement sur son visage. Quels sont les indices de cette intelligence à observer sur le visage de l’enfant ? Il y a la fixation du regard, lorsqu’il s’agit d’impressions optiques. Mais ce qui est le plus évident, c’est un certain jeu de la physionomie, lequel se développe peu à peu, durant le deuxième et le troisième mois, et remplace l’expression peu élégante, semblable à une grimace, de la physionomie de l’enfant nouveau-né. Quelle est l’essence de ce changement ? En observant le visage de l’enfant nouveau-né, âgé de deux ou trois semaines, il n’est pas difficile de remarquer qu’entre les muscles faciaux, ce sont les élévateurs de la lèvre supérieure qui sont le plus contractés (Zygom. min., lev. lab. sup. et alæ nuasi, lev. lab. sup. pr.), par suite la lèvre supérieure est généralement soulevée et retroussée. La contraction des muscles mentionnés retrousse

  1. Preyer, loc. cit., p. 103.
  2. Combes, L’éducation des enfants (traduction russe de l’anglais).