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Dr SIKORSKI. — l’évolution psychique de l’enfant

développent intellectuellement beaucoup moins que ceux dont l’humeur est égale.

Le sommeil et les repos ont une grande importance pour le progrès intellectuel de l’enfant. Durant la première période de leur vie, les enfants, comme on sait, dorment tout le temps, sauf pendant leur repas ; de sorte que l’état du nouveau-né rappelle en somme, comme soporosité continuelle, le sommeil intra-utérin du fœtus. La différence consiste en ce que le sommeil fœtal provient principalement de cette circonstance que les appareils des organes de sens extérieurs de l’embryon sont à l’abri de l’action des excitants extérieurs ; et le sommeil du nouveau-né dépend de la prompte fatigue des mécanismes sensitifs et du travail fatigant, notamment de celui des muscles de la respiration[1]. Peu à peu, parallèlement au développement et à l’affermissement des centres nerveux, le sommeil devient moins prolongé, quoique cependant un enfant de dix à douze mois dorme dans les vingt-quatre heures beaucoup plus qu’il ne veille. Pendant la deuxième et la troisième année de sa vie, l’enfant dort la nuit de dix à douze heures et deux à trois heures le jour[2] ; après quoi le besoin de sommeil décroît avec le temps. Nous avons cité plus haut, le fait observé par M. Preyer sur son propre enfant, et qui prouve jusqu’à quel point le travail, émanant de l’excitation des organes extérieurs des sens, fatigue les appareils centraux sensitifs et amène après lui le sommeil réparateur.

Sans prendre en considération la grande quantité des mouvements impulsifs du nouveau-né, c’est le travail respiratoire de vingt-quatre heures, un travail qui n’existait pas pendant la vie intra-utérine, qui constitue une de plus considérable sources de fatigue. Ces causes suffisent à expliquer le sommeil presque continu des nouveau-nés. Si c’est par des motifs d’une pareille importance que le sommeil de l’enfant est provoqué, on comprendra facilement toute la nécessité de procurer le repos à l’enfant et ne pas troubler son sommeil.

À la suite d’un sommeil insuffisant, l’enfant montre de la mauvaise humeur, de l’irritabilité, et cet état s’observe surtout chez des enfants faibles [3]. M. Preyer a fait des observations sur son propre enfant, garçon intelligent et jouissant d’une bonne santé ; il a noté chaque jour la somme d’heures de son sommeil, durant les trois premières années de sa vie. Voici les chiffres de ses observations.

Durant le premier mois de la vie, le sommeil a duré sans interrup-

  1. Preyer, loc. cit., p. 101-102.
  2. Uffelmann, loc. cit., p. 330.
  3. Uffelmann, loc. cit., p. 330.