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A. BINET et CH. FÉRÉ. — la polarisation psychique

zygomatique et l’orbiculaire palpébral inférieur ; le triangulaire des lèvres est le muscle de la tristesse. Comment l’aimant pourrait-il faire passer l’excitation du grand zygomatique et de l’orbiculaire palpébral au triangulaire des lèvres ? Ce serait, dans l’histoire de l’aimant, une nouveauté absolue, qui ne peut être supposée à titre gratuit.

Reste la dernière hypothèse. L’aimant modifie directement les émotions du sujet, comme il modifie directement ses hallucinations, ses souvenirs, ses mouvements et tout le reste. Il existe une polarisation émotionnelle, comme il existe des polarisations sensorielles et motrices. Après avoir établi ce point important, continuons nos expériences.

XIV. Wit… étant en somnambulisme, on lui dit : « C’est X qui vous a empêchée de partir d’ici. Vous êtes bien en colère contre lui. » Réveil. (Il faut savoir qu’il y a deux ans environ, la malade pendant un court séjour qu’elle fit à l’hospice, essaya de s’enfuir un soir, à la tombée de la nuit. On l’arrêta ; depuis, la malade s’est imaginée que quelqu’un avait dénoncé son projet de fuite, mais elle n’est jamais parvenue à trouver le nom du dénonciateur.) Éveillée, elle se met à parler :

« Oh ! je suis en colère !… la personne que je pense, je voudrais la briser sous mes pieds !… Tantôt, je vous jure, je m’en vengerai. Cela me fait mal… Je voudrais m’en venger, je serais soulagée (grincement de dents)… Je le verrais mourir devant moi, je ne lui donnerais pas un verre d’eau, cet infâme !… (Demande : de qui parlez-vous donc ?).. C’est X… Il m’agace… il aurait pu fermer l’œil et me laisser passer… Il l’étrennera… il verra à qui il a affaire… Ce va-nu-pieds-là… J’aurais un couteau, je le tuerais… Il m’a narguée… (en contrefaisant la voix de X)… Vous ne passerez pas… J’ai cru que c’étaient ces messieurs (les internes, qui l’avaient dénoncée), mais c’est lui… c’est son fils qui m’a vendue… Le fils est un va-nu-pieds comme lui… La fille est une petite pimbêche… J’aurais un couteau je taperais… (aimant à droite) — Ah ! je suis en colère… franchement, il aurait pu me laisser passer… je sais bien qu’ils sont là pour ça… Aussi pour une fois… Ah ! je ne sais plus… je suis en colère, et cependant quelque chose me dit que ce n’est pas lui… (Elle sourit)… Ils ont été charmants pour moi… Le père a dit à son fils : Donne-lui un bouquet de fleurs… Les garçons sont des jeunes gens très bien… Maintenant, il y a une grande jeune fille ; je suis excessivement bien avec elle. — Ah ! ils me déplaisent ces gens-là !… Qu’on ne m’en parle plus !… je leur en veux… Ils me prenaient par la douceur avec leurs bouquets de fleurs… C’était un piège… Lui, c’est un grand,