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même manège recommence. Le premier expérimentateur ne peut plus à ce moment toucher la malade sans provoquer un tressaillement et des plaintes.

Cette curieuse observation qui montre à quel point la sensation produite par le contact de la peau avec la peau d’une autre personne a une signification sexuelle, peut être variée avec l’aimant.

XII. Wit… en somnambulisme, présente une électivité pour M. X., l’expérimentateur qui l’a endormie. Nous approchons, par derrière, un petit aimant du côté gauche de sa tête. Très vite W… s’éloigne de M. X. en poussant une plainte : M. X. ne peut pas la toucher sans qu’elle se mette à geindre et se retire ; quelque temps après, elle revient spontanément vers l’expérimentateur et le suit partout où il va ; puis elle s’éloigne de nouveau, et il est encore impossible de la toucher. Au moment où elle revient pour la troisième fois, on en profite pour la réveiller.

Nous sommes ici en présence d’un état émotionnel bien authentique, prenant naissance en plein somnambulisme, c’est-à-dire dans une période où l’abondance des signes physiques déjoue la fraude. Que fait l’aimant en agissant sur cette sorte d’attraction que l’expérimentateur développe dans son sujet ? Nous ne le voyons pas directement, mais la pantomime du sujet ne laisse pas de doutes. Après avoir suivi l’expérimentateur et l’avoir recherché, le sujet s’en éloigne et se plaint quand il le touche. À l’attraction a succédé la répulsion.

Voilà une polarisation d’un nouveau genre. Autant qu’on peut la comparer à la polarisation des mouvements et des hallucinations, il semble en gros qu’elle est soumise à la même loi. Quoi qu’il en soit, nous devons accepter le fait, car c’en est un. Chacun peut choisir le commentaire de l’expérience qui lui plaît, mais l’expérience s’impose à tous.

Nous avons hâte d’ajouter de nouvelles expériences, car on pourrait croire à un fait isolé. Suggérons, par la parole, pendant le somnambulisme, une émotion quelconque, et appliquons l’aimant.

XIII. C… étant en somnambulisme, on lui suggère d’être très gaie, à son réveil. Dès qu’elle est réveillée, on lui applique l’aimant à gauche. La malade regarde autour d’elle avec étonnement, puis sourit ; elle dit en nous regardant : « J’ai envie de rire », puis elle sourit par saccades, et finalement elle part d’un violent éclat de rire. Tout à coup, elle s’affaisse sur le fauteuil, prend une attitude triste, et ne veut plus se laisser approcher.

Le changement émotionnel déterminé par l’esthésogène persiste. La malade garde son attitude attristée jusqu’à ce qu’on l’en tire. Il ne se passe aucun phénomène comparable à des oscillations consécutives.