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A. BINET et CH. FÉRÉ. — la polarisation psychique

les couleurs. L’hallucination, la vision ou le souvenir d’une couleur quelconque une fois supprimés, on voit apparaître une couleur complémentaire. Nous n’avons pas trouvé trace de ce troisième phénomène dans la polarisation motrice, soit qu’il ne s’y rencontre pas, soit que nous n’ayons pas su le découvrir.

IV

Toutes les expériences qui précèdent sur les mouvements, les attitudes, les contractures, les paralysies, les hallucinations, les anesthésies, les souvenirs, etc., ne sont qu’un moyen de préparer le lecteur aux expériences que nous allons maintenant exposer. Nous abordons l’étude des émotions.

Tous ceux qui sont quelque peu au courant des travaux contemporains savent que les émotions forment la partie la moins connue de toute la psychologie. On ne s’entend ni sur le nombre des émotions, ni sur le nom de celles qui sont simples et de celles qui sont composées, on ne s’entend pas davantage sur leur classification, et quant à définir leur nature, c’est le problème le plus ardu qu’un psychologue puisse se poser. Aussi avons-nous entrepris nos expériences sans aucune idée préconçue, et en avons nous recueilli les résultats sans aucun parti pris. Notre ignorance a été le meilleur garant de notre impartialité. Nous pouvons ajouter que nous étions loin de présager, en faisant agir l’aimant sur un état émotionnel, ce qui est survenu.

La transition des phénomènes psycho-sensoriels aux émotions nous sera fournie par un phénomène d’une nature à part, certainement très complexe, qui subit une modification curieuse sous l’influence de l’aimant.

Certaines malades, pendant l’état de somnambulisme, présentent une sorte d’attraction pour l’observateur qui les a endormies et qui touche une partie nue de leur corps, par exemple les mains. La malade le suit quand il marche, et prend manifestement du plaisir à se tenir auprès de lui. Si, à ce moment, une autre personne vient à lui toucher le dos ou l’épaule, ou une partie quelconque de son corps, ou seulement à s’approcher à une petite distance, le sujet s’écarte en poussant une plainte, comme si ce contact lui était douloureux. Cependant le nouvel expérimentateur peut développer à son profit ce phénomène d’attraction ; s’il saisit les mains du premier expérimentateur et arrive ainsi graduellement à s’emparer des mains de la malade ; celle-ci, après une brusque secousse, se presse contre lui, et le