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A. BINET et CH. FÉRÉ. — la polarisation psychique

vision. Cette maladie de la mémoire n’était pas encore connue ; M. Ribot n’en parle point dans son livre. On pensait jusqu’ici que les maladies de la mémoire résultent, au point de vue psychologique, de troubles dans l’association. Il faudra dorénavant élargir cette conception trop étroite. L’amnésie magnétique est une paralysie systématisée des cellules qui servent de substratum au souvenir. Peut-être y a-t-il des amnésies spontanées qui sont dans le même cas.

L’étude de ces phénomènes d’anesthésie et de paralysie, à forme systématique, ne tient pas une place suffisante en psychologie. Jusqu’ici on a simplement observé l’existence de certaines paralysies systématisées du mouvement, comme de l’agraphie, qui est le type de ces manifestations paralytiques. Peut-être, dira-t-on, ne s’agit-il dans les paralysies systématisées que nous rapportons que de faits artificiels, produits seulement par les expériences, et comparables à ces corps composés que l’on crée dans le laboratoire, et qui n’existent pas dans la nature. Mais il serait bien possible aussi que le contraire fût vrai, et que lorsqu’on constate chez un individu l’absence de tel phénomène, il n’y eut pas seulement absence, mais paralysie systématisée. L’anorexie nerveuse, par exemple, qui est quelquefois assez intense pour faire mourir le malade d’inanition, ne serait pas un simple défaut de faim, mais une paralysie de la sensation de la faim, paralysie qui, comme celle d’un acte quelconque, est susceptible d’être guérie par une excitation appropriée rappelant le souvenir de l’exercice de la fonction ; les sujets de ce genre guérissent quelquefois en quelques jours par l’introduction forcée d’aliments dans l’estomac. L’aboulie, ou impuissance de vouloir, que M. Ribot a représentée comme provenant d’un défaut d’incitation dans les centres moteurs, tiendrait en partie à une paralysie de ces centres moteurs. Évidemment ce sont des hypothèses ; ce qui est certain c’est que dans les expériences d’aimantation, on produit non seulement des paralysies du mouvement, mais des paralysies de la vision et du souvenir, et de bien d’autres fonctions encore. On peut dire avec assez de vraisemblance, que tout phénomène psychique est susceptible de revêtir une double forme : la forme impulsive et la forme paralytique.

Nous en étions arrivés à ce point de nos recherches quand le hasard nous a révélé un phénomène inattendu, qui nous a montré combien la nature, le mécanisme, les conditions de la polarisation par l’aimant sont encore choses obscures. Les expériences que voici ont été faites sur de simples hallucinations de couleurs.

XI. Wit… étant en somnambulisme, on lui suggère que tout est rouge dans le laboratoire ; cette couleur, ajoute-t-on, est due aux car-