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A. BINET et CH. FÉRÉ. — la polarisation psychique

le tient sur son index gauche. Au bout de trois minutes, elle s’arrête, et regarde de tous les côtés avec étonnement. Puis elle se remet à caresser l’oiseau. Peu après, elle s’arrête de nouveau. Où est l’oiseau ? lui demandons-nous. Elle s’éloigne de la table où l’aimant est placé. La voilà qui cherche l’oiseau dans la salle. Elle le trouve, car nous l’entendons qui dit : « C’est comme ça que tu me quittes. » Elle revient s’asseoir dans le fauteuil, et tout en caressant l’oiseau imaginaire, elle dit : « Quand il est là, il se gave, puis il s’en va chercher es petits ». Elle le reconnaît pour un oiseau qui vient souvent dans la cour manger dans sa main, car elle lui a coupé deux plumes sur la tête pour le distinguer des autres. Après quelques instants, l’oiseau disparaît de nouveau ; mais il reparaît ensuite. Le même phénomène se répète plusieurs fois. La malade se plaint de temps en temps d’un mai à la tête dans un point que nous avons décrit antérieurement comme le siège de la douleur de transfert des phénomènes visuels.

Cette seconde expérience est plus complète que la précédente, car elle présente deux phénomènes qu’on peut considérer comme les signes objectifs d’une aimantation : les oscillations consécutives, et la douleur de tête localisée que nous avons précédemment désignée sous le nom de douleur de transfert. Cependant si complète qu’elle soit, l’expérience ne nous fait pas tout voir. Si l’aimant n’avait pour effet que de supprimer une hallucination, ce ne serait point une polarisation, c’est-à-dire le remplacement d’un état par un état contraire. Il faut donc chercher s’il n’existe pas autre chose. Voici une expérience nouvelle qui répond à cette question.

VIII. Cail… étant éveillée, on lui montre le gong chinois et le tampon qui sert à le frapper. À la vue de l’instrument, la malade a peur. On frappe un coup de gong ; la malade tombe instantanément en catalepsie. Après cette expérience préparatoire, destinée à vérifier un fait connu, on réveille la malade, et on la prie de regarder attentivement le gong ; pendant ce temps, on approche de sa tête, à gauche, un petit aimant. Au bout d’une minute, Cail… prétend qu’elle ne voit plus l’instrument, et qu’il a complètement disparu pour ses yeux. Alors, on frappe le gong à coups redoublés, et malgré l’énergie du bruit, la malade ne tombe pas en catalepsie ; elle regarde seulement de côté et d’autre, avec un air un peu étonné, comme si elle sentait une vibration.

L’expérience répétée sur Wit… a donné le même résultat. Que prouve-t-elle, au point de vue de la polarisation des hallucinations ? Plusieurs choses. Tout d’abord, nous pouvons assimiler l’hallucination à la perception, c’est un point qui ne souffre aucune difficulté. Nous avons montré ailleurs que ces deux phénomènes psychiques