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que je ne sais pas, que je n’ai jamais su fumer. Il faut que je vous regarde (elle parle à un des assistants qui fume), sinon je ne me rappelle plus. » Puis, elle rejette la cigarette pour la seconde fois.

Si on analyse avec soin cette expérience, on voit qu’il s’est passé tout d’abord un évènement très apparent : le transfert de l’acte de fumer. La malade s’est servie tantôt de la main droite, tantôt de la main gauche. Mais à côté de ce transfert s’est juxtaposé un phénomène de polarisation qui, pour être moins apparent, n’en existe pas moins d’une manière incontestable. De temps en temps, la malade s’arrête, disant qu’elle ne sait pas fumer ; elle est même obligée de regarder un des assistants, qui fume, pour savoir comment il faut s’y prendre ; c’est la preuve que l’acte de fumer est remplacé, pendant un instant très court, par une paralysie correspondante ; c’est la preuve que la polarisation et le transfert se combinent. Nous avons déjà montré dans les préliminaires de ce travail, que lorsqu’on aimante une hystérique hémianesthésique, le transfert de l’hémianesthésie est accompagné de polarisation, au moins dans le cas de guérison.

Polarisation d’une attitude. — Remplaçons le mouvement par une attitude fixe et bilatérale et voyons ce que l’aimant en fera.

III. On suggère à Wit… en somnambulisme d’unir ses deux mains et de les maintenir dans l’attitude de la prière. Réveil. La malade dit qu’elle veut rester bien tranquille, et elle s’allonge dans son fauteuil avec les mains dans l’attitude commandée. Ici encore, l’expérience peut être faite sans suggestion, pourvu que la malade consente à garder volontairement une attitude symétrique. Dans ce cas, la première partie de l’expérience est volontaire, mais la suite est fatale. On approche du bras gauche, par derrière, un petit aimant. Bientôt, sans changer de position, les deux mains se contracturent et restent fixes. Quelque temps après, il se déclare dans les mains un petit tremblement rapide, puis la malade peut remuer les doigts, et elle les entre-croise. Ensuite la contracture revient et les deux mains se fixent de nouveau dans l’attitude de la prière. Le même phénomène se répète deux fois, contracture, tremblement des mains, puis liberté des mouvements. Enfin la décharge arrive : elle débute par un tremblement, puis viennent de grands mouvements qui ressemblent à ceux d’un accès d’épilepsie partielle. Après l’accès, la malade, épuisée, se plaint d’une douleur dans la région correspondant à la partie moyenne des circonvolutions ascendantes. Quand tout est terminé, on prie la malade de reprendre son attitude de prière ; elle essaye, n’y parvient pas, elle ne sait plus ; cependant,