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A. BINET et CH. FÉRÉ. — la polarisation psychique

que l’aimant a produit un arrêt de mouvement des deux mains, que peu après le mouvement a recommencé, pour cesser de nouveau ; la polarisation a donc passé par une série de phases qui ressemblent suffisamment aux oscillations consécutives du transfert pour mériter le même nom. Si ensuite on examine d’un peu près la modification produite par l’aimant, on s’aperçoit que cette modification n’est pas un simple arrêt de mouvement ; il y a quelque chose de plus ; non seulement la malade cesse d’agiter ses doigts, mais pendant l’intervalle de repos, elle dit à l’expérimentateur, qui l’engage à reprendre son exercice : « je ne sais plus » ; elle a oublié comment il faut s’y prendre, elle est atteinte, en un mot, d’une paralysie systématisée relativement au mouvement suggéré. Le mouvement adapté est donc remplacé par la paralysie adaptée, c’est-à-dire par le phénomène inverse. Ce fait est conforme au principe général que nous avons posé. Enfin il nous reste à signaler la manière dont le mouvement suggéré prend fin : c’est par une série de mouvements convulsifs qui imitent un accès d’épilepsie partielle. Ce phénomène nous a paru constant, toutes les fois qu’un mouvement bilatéral suggéré s’arrête, après avoir subi la polarisation. L’arrêt est toujours accompagné d’une décharge.

Comparons à ce premier résultat celui que donne l’aimant en agissant sur un acte unilatéral. Ce rapprochement jettera de la lumière sur les deux groupes d’expériences à la fois.

II. On donne à Wit… en somnambulisme l’ordre de fumer une cigarette, quand elle sera réveillée. On la réveille, on lui présente une cigarette, elle refuse de fumer. On la rendort, pour renouveler la suggestion ; elle finit par consentir, en disant : « puisqu’il le faut ». À son second réveil, elle prend une cigarette et se met à fumer, en employant la main droite. Un aimant est appliqué à droite, sous un linge. Au bout de quelque temps, elle prend la cigarette avec la main gauche. Après quelques transferts, elle s’arrête, hésite, dit qu’elle « ne sait plus fumer ». Elle veut alors passer la cigarette de la main droite à la main gauche, elle rapproche les deux mains s’efforce de saisir la cigarette avec la main gauche, et n’y parvient pas. Finalement, elle rejette la cigarette, disant qu’elle est dégoûtée de fumer. Deux ou trois minutes se passent. Spontanément, la malade rallume la cigarette et recommence à fumer avec la main droite ; elle dit : « il arrive un moment où je ne sais plus fumer » ; elle essaye, comme auparavant, de passer la cigarette à la main gauche, échoue, recommence et réussit. Pendant ce temps, elle dit : « je veux fumer, je ne veux pas ; en ce moment, je me force ». Nouveau transfert de gauche à droite. Elle dit encore « on dirait