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On pourrait citer encore cinq ou six de nos anciennes observations où la présence de phénomènes polarisés est des plus manifestes. Mais ces citations sont inutiles. Nous préférons exposer les expériences spécialement destinées à mettre en relief ce curieux phénomène.

Nous ne changeons rien à la méthode de nos premières recherches sur le transfert. Nos sujets sont toujours des hystéro-épileptiques, plongées dans le grand hypnotisme, seul état ou l’expérimentateur soit complètement en sécurité contre la fraude. Comme esthésiogène, nous nous servons toujours de l’aimant, réservant pour plus tard une étude comparative des autres agents. Enfin dans l’exposition des expériences, nous irons toujours du simple au composé, ce qui veut dire : du somatique au psychique.

Motilité. — Polarisation d’un mouvement. Examinons ce qui se passé lorsqu’on fait agir l’aimant sur un phénomène moteur bilatéral, par exemple sur un acte que le sujet exécute simultanément et de la même façon avec ses deux mains.

I. Nous suggérons à W. en somnambulisme l’idée de faire avec ses deux mains l’acte de rouler une boulette. Après le réveil, la malade continue régulièrement le mouvement. Il est à remarquer que la suggestion hypnotique sert uniquement à rendre l’acte plus régulier ; l’expérience peut être répétée sans le secours de la suggestion, en priant simplement la malade éveillée de bien vouloir rouler les doigts pendant quelques minutes. Si elle consent à le faire, la suite de l’expérience se déroule, comme dans le cas de la suggestion, dans l’ordre fatal que nous allons décrire. Un aimant est placé à droite.

Au bout de deux minutes, les deux mains tremblent, la gauche plus que la droite. Puis le mouvement s’arrête des deux côtés. La malade se plaint de lourdeur dans les bras. Au bout de trois minutes environ, le mouvement reprend à droite, puis à gauche, plus fort, tantôt dans une main, tantôt dans l’autre. Quand le mouvement s’arrête de nouveau, on essaye de le faire recommencer en priant la malade de rouler les doigts : elle répond qu’elle ne sait pas, et de fait elle n’y parvient pas.

Enfin, pour la troisième fois, les deux mains reprennent le même mouvement ; l’acte d’abord bien caractérisé, se change en un tremblement, dont les oscillations s’aggrandissent et deviennent de fortes secousses. Par la constriction des poignets, on parvient à arrêter ces mouvements convulsifs, mais dès que la compression cesse, ils repartent. On endort la malade, et pendant le somnambulisme, on lui enjoint de laisser ses mains immobiles. Il se produit alors une grande décharge convulsive, puis un arrêt complet.

Cette expérience contient plusieurs faits importants. On voit d’abord