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exclurait complètement l’idée de simulation ou de suggestion inconsciente, si l’on pouvait garder quelque arrière-pensée devant une masse d’observations aussi compliquées et aussi cohérentes que les nôtres. Un jour, profitant de ce que la nommée W… s’est endormie spontanément, et d’un sommeil naturel, dans un fauteuil,’nous appliquons l’aimant à gauche. Les deux mains du sujet reposent sur ses genoux, dans une position sensiblement symétrique. Au bout d’un temps assez long, ne voyant survenir aucun changement d’attitude, nous commencions à nous communiquer nos craintes sur la valeur des expériences précédentes. La malade restait complètement immobile. Nous voulons la réveiller, nous l’appelons à plusieurs reprises, nous la secouons ; rien ne peut vaincre sa torpeur : elle dort d’un sommeil profond dont nous sommes incapables de la tirer. Les paupières sont closes, mais on peut les maintenir ouvertes sans provoquer aucun changement. Bien plus, on peut presser impunément sur les points hystérogènes sans provoquer aucune attaque ; on sait cependant que non seulement pendant la veille, mais encore à tous les moments du sommeil artificiel la pression de ces points amène l’attaque. C’est là un phénomène réflexe que la malade est incapable de suspendre. Ce ne fut qu’au bout de trois longs quarts d’heure que ce sommeil, véritable image de la mort, prit fin ; au réveil, il y eut une décharge convulsive de la nature de celles que nous décrivons plus loin.

Dira-t-on que notre sujet a simulé une attaque de sommeil ? C’est impossible, car une hystérique ne peut pas perdre volontairement ses points hystérogènes. Dira-t-on que notre sujet a obéi à une suggestion venue de l’expérimentateur ? C’est encore impossible, car nous ne savions pas ce qui allait arriver.

II

Pour découvrir un fait qu’on n’a jamais vu, il faut qu’un concours exceptionnel de circonstances le rende énorme ; sinon, on passe devant sans le soupçonner. Nous avons fourni à nos dépens une preuve nouvelle de cette vérité ; en relisant avec soin nos premières observations sur le transfert, observations qui toutes avaient été rédigées au moment même, sans désemparer, nous nous sommes aperçus qu’un grand nombre contenaient des faits de polarisation ; mais nous n’avons fait cette découverte qu’après coup, rétrospectivement, après avoir assisté, par hasard, à un phénomène de polarisation qui s’est présenté devant nos yeux dans un état de développement complet.