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A. BINET et CH. FÉRÉ. — la polarisation psychique

ment vague pour ne rien préjuger du mécanisme inconnu de ce curieux phénomène. Ainsi, il est entendu que par polarisation nous désignerons l’inversion d’un état fonctionnel quelconque sous l’influence d’un esthésiogène ; ce nom aura toujours l’avantage de nous épargner une périphrase inutile[1].

Existe-t-il d’autres faits de polarisation ? En connaît-on d’autres indépendamment de ceux que nous avons observés et que nous allons faire connaître dans un instant ? C’est une question à laquelle il est difficile de répondre. Peut-être est il permis de voir une polarisation ou un phénomène de même genre, dans les contractures que l’approche de l’aimant provoque souvent chez les hystériques. On connaît la fréquence de ces symptômes, qui constituent l’inconvénient et quelquefois le danger des expériences d’esthésiogénie ; à tel point que nous avons dû renoncer à aimanter quelques-unes de nos malades qui présentaient une réaction musculaire trop prononcée. Tamburini et Seppilli ont constaté que l’aimant exerçait une action des plus nettes, et souvent très énergique sur les phénomènes musculaires du mouvement, de la respiration et de la circulation, pendant la léthargie hystérique provoquée[2]. On pourrait, à la rigueur, considérer la contracture provoquée comme un fait de polarisation, comparable à l’anesthésie provoquée, car la contracture succède, dans ces circonstances, à l’état inverse de repos. Citons encore comme appartenant au même cadre de faits la relation de M. Landouzy qui a constaté que chez une grande hystérique l’application de l’aimant produisait constamment un sommeil léthargique bien caractérisé, lorsqu’on fermait en même temps les yeux de la malade[3]. N’y a-t-il pas dans ce phénomène une sorte d’inversion de l’état primitif ? De même, on a vu parfois au cours d’une séance de métallothérapie, l’hystérique tomber en somnambulisme ou en catalepsie. Enfin, n’oublions pas de rappeler les effets surprenants que produisent les courants continus sur les attaques de grande hystérie ; un des électrodes est placé sur le front, l’autre n’importe sur quel point du corps ; on attend qu’une attaque se produise, puis d’un coup on intervertit le courant au moyen d’un commutateur. L’attaque s’arrête tout net[4] ? C’est encore un phénomène d’inversion.

Avant de commencer notre exposition, citons un fait qui à lui seul

  1. Charpignon (Rapports du magnétisme avec la jurisprudence et la médecine légale. Paris, 1860, p. 7) explique les effets du magnétisme par une polarisation de l’électricité nerveuse ; mais ce mot ne répond pour lui à aucun phénomène particulier.
  2. Rivista di Freniatria, an VII, fasc. III.
  3. Landouzy, Progrès médical, 25 janvier 1879, p. 61.
  4. P. Richer, Études cliniques sur l’hystéro-épilepsie, p. 591.