Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 19.djvu/374

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
370
revue philosophique

tion qui fut obtenue tout d’abord avec les métaux, et plus tard avec l’aimant et toute la série des esthésiogènes, a porté les différents noms d’anesthésie provoquée, d’anesthésie post-métallique et d’anesthésie de retour. Voici, d’après M. Vigouroux[1], en quoi elle consiste :

« Supposons, dit-il, que la malade, sujet de l’expérience, ne présente pas actuellement d’anesthésie, bien qu’elle en ait été affectée antérieurement, l’application de l’aimant produira chez elle l’anesthésie. Ce fait que l’anesthésie et d’une manière plus générale divers symptômes de l’hystérie, la contracture entre autres, peuvent être provoqués par les esthésiogènes chez un sujet en apparence normal, a été utilisé par M. Charcot pour le diagnostic et pour le pronostic de l’hystérie. Ainsi supposons qu’à la fin d’un traitement, une malade présente toutes les apparences de la guérison : elle n’a plus de crises, possède toute sa sensibilité, etc. ; que l’on fasse une application esthésiogénique ; s’il en résulte de l’anesthésie sensitive ou sensorielle, la malade doit être considérée comme étant encore sous l’influence de la diathèse. Le même procédé sert aussi à déterminer la nature hystérique des crises dans un cas douteux, ou à mettre la maladie en évidence lorsqu’elle ne peut être que soupçonnée d’après les autres données. On a donc, dans l’anesthésie provoquée, ou plus généralement dans la propriété qu’ont les esthésiogènes de déterminer certains symptômes qui n’existaient qu’en puissance, une véritable pierre de touche de l’hystérie.

« L’anesthésie provoquée est intéressante à suivre dans la manière dont elle envahit graduellement toute la surface cutanée et les organes des sens. Supposons-la produite chez une malade dônt la sensibilité est entière, par l’application d’une pièce de métal, ou d’un aimant, ou d’un électrode sur la face dorsale de l’avant-bras. Dès que l’action commence (une ou plusieurs minutes après l’application), une plaque d’anesthésie s’établit autour du métal et simultanément trois autres apparaissent à l’autre avant-bras sur le point symétrique (homologue) et à chaque jambe sur la face antéro-externe (points analogues). À partir de ce moment, ces quatre plaques d’anesthésie semblables en formes et en étendue, se développent d’une façon uniforme ; rien ne distingue celle qui est voisine du métal. Elles ont d’abord une forme elliptique, le grand axe dirigé suivant la longueur du membre ; elles s’étendent ensuite progressivement, mais beaucoup plus vite dans le sens longitudinal que dans le sens transversal, et aussi plus vite vers la racine du membre que vers la périphérie.

  1. R. Vigouroux, Métalloscopie, metallothérapie, esthésiogénes. (Archives de Neurologie, 1881.)