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ou peut être regardé comme relatif ; la question de savoir s’il est absolu doit être entièrement écartée. Si donc Kant, après avoir très nettement précisé le caractère transcendantal de la notion de mouvement absolu, l’a introduite dans sa phoromonie, ce ne peut être que par une erreur singulière ou par une malheureuse impropriété d’expression.

En soi, la notion de mouvement ou de repos absolu est vide de sens, la situation de tout corps mobile se rapportant nécessairement à d’autres corps, la situation d’un système à un autre système ; on peut donc tout aussi bien rapporter au premier la situation du second on ne perçoit que des relations et on ne spécule que sur des relations.

La question change de face si l’on fait intervenir les notions dynamiques. Ainsi, au point de vue cinématique pur, il est absolument indifférent de considérer pour la théorie de la révolution diurne, la terre comme immobile autour de son axe, et les astres comme tournant autour d’elle, ou de se placer au point de vue tout opposé. Cependant on conclut à la réalité du mouvement de la terre comme conséquence, par exemple, de l’expérience du pendule de Foucault.

Qu’est-ce à dire ? c’est que les lois de la communication du mouvement nous apparaissent comme dépendantes du choix à faire entre les deux points de vue indifférents pour la pure cinématique, et que par suite, comme nous ne pouvons, pour ces lois, admettre une telle relativité, nous faisons entre les deux points de vue le choix qui nous conduit, dynamiquement parlant, aux formules les plus simples. Par ce moyen, nous n’atteignons pas l’inaccessible absolu, mais nous arrivons à distinguer une ordonnance des phénomènes que nous appelons réelle, par opposition à l’ordonnance apparente.

En tout cas, la question est évidemment d’ordre mécanique et si d’ailleurs la réalité du mouvement de translation de la terre dans l’espace ne peut être démontrée de la même façon, si les principes généraux de la mécanique sont de telle nature que, pour nous persuader de la réalité de ce mouvement, il faut recourir à d’autres principes d’ordre secondaire, il n’est nullement absurde à priori de supposer qu’il en pourrait être autrement.

Si j’observe le mouvement des aiguilles de ma montre pendant que je me déplace, et si je connais mon propre mouvement (rapporté par exemple à la surface de la terre), j’en puis conclure le mouvement des aiguilles par rapport au système qui me sert de repère pour mon propre mouvement ; c’est là la question cinématique. Mais que, dans le même espace de temps, le déplacement des aiguilles sur le cadran ne soit pas influencé par mon état de repos ou de mouve-