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au monde, mais à l’Église. L’Eucharistie symbolise l’union consciente du sujet avec Dieu. L’Église s’oppose donc au monde et regarde le monde comme mauvais. C’est l’idée du Moyen-Age qui plaçait en conséquence son idéal dans le célibat et la pauvreté. La vie moderne doit amener la réconciliation entre le monde et l’Église. Cette réconciliation s’opérera dans l’État. « L’État est la vraie réconciliation où le divin se réalise lui-même dans le champ de la réalité. » L’État moderne est en effet fondé sur les idées chrétiennes de la dignité de la personne et des droits de l’homme. La vie séculière est elle-même divine, c’est à la fois le principe du protestantisme et le dernier principe de la pensée.

On voit donc que Hegel est loin d’être antipathique aux idées et aux croyances religieuses. Si la philosophie est la synthèse opérée par l’intelligence, la religion est la même synthèse opérée par le cœur. La religion se présente à l’enfant sous la forme de l’éducation, à la race sous la forme de la révélation. Mais les apparences historiques, quoique nécessaires dans le progrès évolutif, ne doivent pas être regardées comme des vérités divines. De cette façon, la question des miracles ne nous trouble plus. Nous n’avons ni à les attaquer, ni à les défendre. Leur valeur était toute relative. Nous ne devons pas revenir en arrière, repasser sur les traces qu’a suivies l’Esprit. Nous aurions ainsi un Christ mort, à la place du Christ vivant, qui se trouve dans les doctrines de la relation de l’homme avec Dieu, doctrines dont il est le visible symbole. Hegel est donc en droit de conclure : « La pensée justifié le contenu de la religion et reconnaît ses formes, c’est-à-dire la détermination de son apparence historique ; mais dans son acte véritable, elle reconnaît aussi les limites de ses formes. »

M. Seth reconnaît que la position prise par Hegel est la seule qui soit permise à une philosophie de l’absolu, mais il signale la principale difficulté d’un tel système. Comment à l’aide du nécessaire, du parfait, de l’absolu expliquer la contingence, l’imperfection, la douleur, le mal de quelque nom qu’on l’appelle ? Hegel semble bien, en effet, arriver à l’imparfait par un saut brusque. Son système, qui fait tout reposer sur la perfection, est un optimisme, et tout son défaut consiste à partir de cette idée abstraite de la perfection, qui est un non-être. La force de l’hegelianisme est dans sa philosophie de l’histoire et non dans sa métaphysique.

On a vu par ce trop long résumé que M. Seth s’attache surtout à montrer la liaison des divers systèmes, qu’il expose. La critique tient très peu de place dans son exposition et il semble bien plus soucieux de montrer les contradictions internes qui déparent les systèmes, que de marquer les points particuliers sur lesquels il se sépare de leurs auteurs. Aussi bien ce livre est-il le début de M. Seth. La vigueur de dialectique qui caractérise son exposition, la clarté, l’élégance soutenue de son style, nous font espérer qu’il voudra bientôt nous dire ce qu’il pense lui-même sur les doctrines métaphysiques qu’il a si bien étudiées. Il serait intéressant qu’une restauration de l’idéalisme métaphy-