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ANALYSES.a. seth. De Kant à Hegel.

qui est l’antre de la raison. De la nature, nous passons à la conscience de soi, à l’esprit, qui est l’ « identité restaurée. » La grande ennemie contre laquelle s’élève sans cesse Hegel est l’abstraction, qui considère la logique comme un fait, la nature comme un autre et l’esprit comme un troisième. Pour réfuter cette abstraction, il suffit de rappeler que l’esprit n’est pas un fait, mais que c’est seulement par rapport à la vie de l’esprit que nous pouvons parler des conceptions logiques ou de la nature. La conscience achevée de soi, tel est en somme l’absolu de Hegel, le seul véritable fait. Tout ce qui est hors de lui est imparfait. Le but de Hégel n’est pas de démontrer l’existence de l’absolu, mais de montrer comment il vient à l’être, d’éclairer la nature de sa vie. La conscience de soi est le dernier exemple des contradictions résolues, ou de l’unité des contraires, sur laquelle la méthode a été d’abord fondée.

On voit ainsi que l’idéalisme dont Fichte a posé la base, s’achève logiquement dans Hegel. Fichte fait reposer la science tout entière sur la non-conditionalité — ou mieux, sur la soi-conditionalité (self-conditonedness) — de la pensée. Son principe, qui est le même que celui de Schelling, consiste à statuer que, puisque le but de toute philosophie est de montrer l’univers comme un système rationnellement lié, le principe de la philosophie comme telle doit être la raison ou la pensée. La suprématie et l’omni-compréhension de la pensée est en un sens la présupposition nécessaire, non moins que la conclusion de leurs systèmes. Hegel ne fait que développer systématiquement ces idées et toute sa philosophie consiste à reconnaître que l’idée est, dans l’ordo ad universum, la réalité éternelle.

Dans la seconde partie de son livre, M. Seth étudie la philosophie religieuse de Kant et de Hegel.

Les relations possibles entre la religion et la philosophie sont au nombre de trois : 1o ou bien on soutient que le contenu de la théologie a été révélé par Dieu d’une façon miraculeuse ; la théologie alors domine la raison et souvent la contredit, c’est la position du Moyen-Age ; l’opposition entre la raison et la religion amène l’indifférence, l’insouciance, le scepticisme ; 2o ou bien on nie toute religion révélée, comme au xviiie siècle, la religion est alors réduite au minimum et on aboutit à l’athéisme ; 3o ou bien une philosophie nouvelle trouve un but plus large à la raison et un sens plus intime à la révélation. Les révélations ne se produisent plus par à-coups miraculeux, Dieu se manifeste sans cesse aux enfants des hommes, mais il y a des temps où Dieu parle de plus près et des livres qui contiennent plus expressément sa parole. C’est dans ce dernier sens que Lessing et Kant ont entendu la religion. Ils ferment ainsi l’âge ancien et ouvrent les temps nouveaux.

M. Seth rappelle ici comment Kant est amené à postuler la liberté, l’immortalité de l’âme et l’existence de Dieu comme bases de la moralité. Dieu est considéré comme le bien le plus élevé que nous puissions concevoir. Ceci nous conduit à la philosophie de la Religion, telle que