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ANALYSES.a. de candolle. Sciences et savants.

des caractères individuels. Il ne suffit pas, dit-il, de réunir un certain nombre de faits favorables à une opinion, si on ne leur oppose les contraires, au moyen d’une statistique absolument impartiale Dans l’étude de l’hérédité (il ne s’agit, bien entendu, que des caractères individuels, car la transmission des autres caractères est indiscutable), on a procédé en général de deux manières : en s’appuyant sur la pathologie (transmission des maladies, de l’aliénation mentale, etc), en étudiant certains individus éminents ou certaines familles en raison de leur mérite. Mais, remarque justement l’auteur, « c’est à peu près comme si pour étudier les conditions de la richesse d’un pays, ou l’effet de la richesse sur les individus, on ne considérait que les familles ou les personnes les plus riches. Quand on raisonne sur des éléments exceptionnels, on se prive de beaucoup de ressources que donnerait l’étude d’ensemble de tous les éléments. »

Il a donc essayé une méthode différente, certainement meilleure, mais dont l’application ne peut pas encore être faite d’une manière complète ou même suffisamment étendue. Voici en quoi elle consiste : « Choisir sans aucune idée préconçue et sans égard pour le mérite ou la capacité, un nombre aussi grand d’individus qu’on peut en trouver, dont on connaisse les caractères distinctifs, et en même temps ceux de leurs parents, et même, si possible, de leurs grands parents, de telle sorte qu’on puisse constater les caractères transmis ou non transmis, d’une génération à l’autre. » Ces caractères sont répartis en quatre catégories : 1o les formes et apparences physiques extérieures (stature, forme de la tête, couleur des cheveux et des yeux, etc.) 2o les caractères intérieurs autant qu’on peut en juger sans autopsie), tempérament, lenteur ou rapidité du pouls, affections maladives, etc.), 3o les instincts, penchants et sentiments (volonté forte ou faible, tenace ou variable, l’indépendance d’esprit ou son contraire, le sentiment du devoir ou son absence, l’avarice ou la prodigalité, la vanité ou la modestie, le goût du commandement ou de la soumission, la curiosité ou l’indifférence, l’égoïsme ou son contraire, les sentiments affectueux ou malveillants, etc.), 4o les facultés intellectuelles (mémoire forte ou faible, aptitude au calcul, force de l’imagination, du raisonnement, jugement sain ou paradoxal, affections mentales s’il en existe).

M. de Candolle, n’ayant pas découvert une série de hauts personnages, auxquels il puisse appliquer sa méthode en toute sécurité, l’a essayée sur une famille de simples particuliers — qui est la sienne. Appelons, dit-il, A le sujet observé, afin d’en parler plus librement ; voici le résumé de l’enquête. Il a été noté sur son compte 64 caractères distinctifs, ainsi répartis dans les quatre catégories précitées : formes extérieures, 21, caractères intérieurs, 14, sentiments, 19, facultés intellectuelles, 10. En comparant avec les ascendants de deux degrés, l’auteur a constaté que sur les 64 caractères distinctifs, 63 existaient déjà chez les deux parents, au moins chez le père ou la mère. — La communauté des caractères de A avec ses parents et grands parents se décompose comme il