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En résumé, si l’on cherche dans le livre des impressions, on sera satisfait au-delà de son attente : il en est peu qui pénètre aussi profondément dans l’âme ; il la remue, il la trouble, il fait remonter à sa surface tout un infini de sentiments et d’idées. Mais si l’on y cherche une doctrine, peut-être sera-t-on déçu. L’auteur a-t-il voulu prouver la possibilité ou l’impossibilité d’une morale positive et scientifique ? On se le demande presque après l’avoir lu ; et son œuvre, obscure et sublime par endroits, comme une trop fidèle image de la condition humaine, a pour l’esprit l’attrait irritant d’une énigme.

B. Boirac.

A. de Candolle. Histoire des sciences et des savants depuis deux siècles, précédée et suivie d’autres études, en particulier sur la sélection dans l’espèce humaine. 2e édition in-8o, 594 p.. Bâle — Genève. Georg.

La première édition de ce livre, publiée en 1873, fut rapidement épuisée. En le réimprimant onze ans plus tard, l’auteur l’a beaucoup modifié. Les études sur le transformisme ont été supprimées, en raison de la diffusion rapide des idées de Darwin sur le continent. Elles ont été remplacées par de nouvelles recherches sur l’hérédité (p. 54 à 103) où l’auteur a employé « une méthode plus complète et plus directe que celle usitée pour constater la transmission des caractères. »

Dans sa première édition, M. de Candolle s’était livré à une enquête minutieuse sur la généologie des savants. Afin d’éliminer les documents douteux, il ne remontait pas au deli de la moitié du xviie siècle. De plus, pour éviter, dans le choix des noms qui servaient de base à son travail, toute appréciation personnelle, par suite contestable, voici la méthode qu’il avait suivie. Il s’en référait au choix des Académies de Paris, de Londres et de Paris et ne tenait que compte de leurs membres associés étrangers. Il avait ainsi toutes les chances possibles de ne comprendre dans ses listes que des savants illustres, d’une renommée européenne, choisis pour leur mérite, non par une coterie ou des influences personnelles, ce qui n’est pas rare, quand il s’agit des membres nationaux. La question ainsi posée, il ajoutait. « Cherchons à estimer vaguement combien de savants illustres n’ont pas eu de fils, ni surtout de fils parvenus à l’âge auquel une célébrité est généralement reconnue, il en résulte une probabilité excessivement faible que le père et le fils se trouvent sur la même liste. Cette coïncidence s’est pourtant présentée quatre fois : dans la famille des Bernoulli, des Guler et des Herschel. » En somme, l’auteur a trouvé « neuf associés étrangers, fils de savants illustres ou d’hommes de science, c’est-à-dire une proportion de 10 pour 100. »

Toutefois M. de Candolle connaît mieux que personne-lès objections faites à toutes les méthodes employées pour établir l’hérédité