Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 19.djvu/317

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
313
notes et discussions

avaient la preuve que le sujet fût endormi. Malheureusement, ajoutent-ils, cet observateur ne paraît pas attacher d’importance à ce dernier point, car il ne nous donne aucun renseignement sur l’état somatique de ses sujets. »

Cette critique n’est pas fondée ; j’ai indiqué l’état somatique et je vais entrer à cet égard, dans quelques détails importants. Si je n’ai pas dit que mes sujets étaient, soit en léthargie, soit en catalepsie, soit en somnambulisme, si je n’ai point pris comme point de départ de mes recherches ces trois phases de l’hypnotisme hystérique, telles que Charcot les décrit, c’est que je n’ai pu confirmer par mes observations l’existence de ces états divers, en tant que phases distinctes. Voici ce que nous observons constamment à Nancy : Quand un sujet est hypnotisé par n’importe quel procédé, fixation d’un objet brillant, des doigts ou des yeux de l’opérateur, passes, suggestion vocale, occlusion des paupières, il arrive un moment où les yeux restent clos, souvent renversés sous la paupière supérieure, quelquefois les paupières agitées de mouvements fibrillaires ; les bras tombent en résolution.

Est-ce la léthargie ? Dans cet état, comme dans tous les états hypnotiques, et j’insiste sur ce fait, l’hypnotisé entend l’opérateur ; il a l’attention et l’oreille fixées sur lui ; alors même qu’il reste immobile, insensible, la face inerte comme un masque, détaché en apparence du monde extérieur, il entend tout, soit que plus tard, au réveil, il en ait conservé le souvenir, soit qu’il l’ait perdu. La preuve, c’est que, sans le toucher, sans lui souffler sur les yeux, le simple mot : « Réveillez-vous », une ou plusieurs fois prononcé devant lui, le réveille.

Le sujet, dans cet état, est apte à manifester les phénomènes de catalepsie ou de somnambulisme, sans qu’on soit obligé de le soumettre à aucune manipulation, pourvu qu’il soit à un degré suffisant d’hypnotisation. Pour mettre un membre en catalepsie, il n’est pas nécessaire d’ouvrir les yeux du sujet, comme cela se fait à la Salpêtrière, il suffit de lever ce membre, de le laisser quelque temps en l’air, au besoin d’affirmer que le membre ne peut plus être abaissé ; il reste en catalepsie suggestive : l’hypnotisé dont la volonté ou le pouvoir de résistance est affaibli, conserve passivement l’attitude imprimée. Pour mettre en évidence les caractères du somnambulisme chez les sujets aptes à les manifester, il n’est pas nécessaire de frictionner le vertex, comme cela se fait à la Salpêtrière, il suffit de parler au sujet, et celui-ci, suggestible, exécute l’acte, ou réalise le phénomène suggéré.

Nous n’avons pas constaté que l’action d’ouvrir ou de fermer les yeux, que la friction des vertex modifiât en rien les phénomènes ou qu’elle les développât chez les sujets non aptes à les manifester par la suggestion seule.

Nous n’avons constaté que des degrés variables de suggestibilité chez les hypnotisés : les uns n’ont que de l’occlusion des paupières avec ou sans engourdissement ; d’autres ont en outre de la résolution des membres avec inertie ou inaptitude à faire des mouvements spontanés,