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vers lesquelles nous sommes ainsi ramenés encore une fois de plus.

Les Testacés se multiplient au reste comme les végétaux par une foule de procédés : graines, bourgeons, stolons. C’est ainsi qu’on voit de petites Moules pousser sur de plus grandes (Gen. III, 109), erreur assez grossière due aux grappes que forment les Moules en s’attachant les unes aux autres par leur byssus. On a vu[1] que certains physiologues avant Aristote savaient déjà qu’au printemps ce sont des œufs qui gonflent la Moule et la rendent plus savoureuse, tandis que notre philosophe ne voit dans l’ovaire modifié que l’effet de la nourriture plus abondante qui engraisse l’animal à cette époque de l’année (Gen. III, 123). De même chez les Testacés turbinés, dont cependant Aristote connaît l’accouplement (Gen., 113), ce qu’on prend pour une expansion des organes génitaux n’est à ses yeux qu’une sorte de graisse due aussi à une meilleure nourriture au retour du beau temps.

Cependant on connaissait les amas de coques ovigères dans lesquelles certains Gastéropodes marins enveloppent leurs œufs presque microscopiques. On les comparait même à des gâteaux de cire, dont ils ont un peu la couleur, la consistance et même la structure, malgré leurs alvéoles irréguliers. Aristote reconnaît que ces gâteaux sont l’œuvre des Buccins, des Pourpres qui excrètent un liquide visqueux accompagné d’une sorte de liquide séminal, dont ils font ce produit. Le gâteau en question donnera une abondance de Buccins et de Pourpres. Notre philosophe sait tout cela. Mais il se borne à trouver tout naturel que les susdits animaux produisent eux-mêmes le gâteau d’où ils proviennent ; ils n’en naissent pas moins spontanément dans ce gâteau (Gen. III, 111).

Tel est en effet l’ordinaire pour les Testacés ; ils naissent par génération spontanée comme beaucoup d’Insectes et la plupart des plantes (Gen. III, 114 et suiv.). On ne saurait faire un grief aux savants de la 100e Olympiade d’avoir cru à l’hétérogénie qui a trouvé des défenseurs jusque dans notre siècle. Aristote, avons nous dit plus haut, rapproche volontiers la chaleur animale et la chaleur solaire. Or ce que la chaleur du corps prend à l’aliment, la chaleur du printemps l’extrait de la mer ou de la terre, et le transforme en substance vivante ; elle en fait un germe et lui communique la puissance de se développer. Celui-ci est toujours un scolex. Ainsi naissent tous les Exsangues qui ne viennent pas d’un autre animal semblable à eux, et un certain nombre de Poissons d’eau douce, particulièrement les Anguilles.

  1. Ci-dessus, t.  XVIII, p. 358.