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engendre des scolex d’où sortent avec un petit nombre de femelles comme elle, tout le peuple des ouvrières. Les ouvrières à leur tour pondent d’autres scolex d’où sortent les faux-bourdons. Ceux-ci représentent donc une troisième génération, forcément lourde, stérile et qui disparaît. Le mystère des sexes des Abeilles ne devait être levé que 2000 ans plus tard. Mais on peut reporter au Stagirite, s’il a vraiment écrit ou inspiré le passage que nous analysons, le mérite d’avoir établi le premier que le roi est une femelle. Il ajoute : « À la vérité sur tout cela, on n’a pas d’observations suffisantes. Quand il en existe, on leur doit plus de foi qu’à la théorie et on ne doit, en tous cas, avoir confiance à la théorie qu’autant qu’elle est conforme aux apparences. » On ne saurait mieux dire ; c’est là le vrai langage de la science. Et pourtant cet aphorisme ne nous semble pas marqué à l’empreinte du génie propre d’Aristote : tout ce chapitre si remarquable sur les sexes des abeilles pourrait donc fort bien n’être pas de lui. On notera d’ailleurs qu’il est tiré du IIIe livre du traité De la Genèse, où les interpolations sont certainement très nombreuses.

X. Testacés. Ce groupe, le dernier, est de beaucoup le moins nettement défini, comme était le groupe des vers dans les classification du commencement de ce siècle. Les Testacés d’Aristote comprennent à la fois nos Mollusques univalves et bivalves, les Thétyes (= Ascidies, Salpes), les Oursins et les Étoiles de mer, les Méduses et les Anémones de mer, les Éponges, etc.

Aristote connaît la langue ou radula des Gastéropodes et l’usage qu’en feraint les Buccins pour percer la coquille des huîtres afin de se nourrir de la bête. Par une erreur fort concevable — si même on peut l’appeler une erreur — il regarde la masse musculaire buccale des Gastéropodes comme une sorte de gésier comparable à celui des oiseaux (Des parties, IV, 9). Mais une illusion singulière lui fait admettre comme plusieurs de ses devanciers, que les Testacés turbinés, les Coquilles (κοχλία) comme on les appelle déjà) s’accroissent à la façon des plantes par leur extrémité pointue (Gen. IV, 120), en d’autres termes, que l’orifice de la coquille ne se déplace point et s’élargit simplement, comme la base du tronc d’un arbre. Nous n’avons pas besoin d’insister sur cette erreur : chacun sait aujourd’hui que la pointe de la coquille turbinée s’éloigne en effet du sol, mais sans croître à la manière des plantes et par le seul fait de l’allongement de la spire à sa base. Par suite la pointe de la coquille devient pour Aristote extrémité de l’animal, et de là cette autre conséquence : c’est par la tête que le Colimaçon, la Pourpre, le Turbo, le Buccin s’attachent et rampent sur le sol. En cela ces