Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 19.djvu/306

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
302
revue philosophique

ne pondent que des scolex. Ceux-ci peuvent être ronds et ressembler à des œufs. Mais — remarque Aristote — peu importent la forme, la mollesse ou la dureté : ce sont là, comme nous dirions aujourd’hui, des caractères secondaires. Ce qu’il faut savoir c’est si le tout se développe à la fois, car en ce cas c’est un scolex, autrement ce serait un œuf (Gen. III, 81) : dans un œuf, une partie seulement devient l’embryon et l’autre sert à le nourrir. La distinction est, comme on le voit, des plus nettes.

Le développement rapide de certaines larves semble beaucoup frapper Aristote, qui a probablement ici en vue l’Asticot et peut-être les larves des Abeilles. Le scolex grandit, nous dit-il, par l’extrémité antérieure du corps, déliée comme le bout d’une tige, tandis que la partie postérieure reste large (Gen. III, i, 119) ; il se développe comme par l’effet d’un levain, car l’intérieur devient liquide et finalement se change en air (Gen. III, 154). Aristote a pu croire en effet comme d’autres physiologues avant lui, que le corps de l’insecte était presque tout air sous son test solide ; et à voir cet air très apparent dans les larges trachées de beaucoup de larves, il a pu très naturellement admettre une espèce de fermentation.

Le scolex, aussi bien que tous les êtres de la même nature, devient à un moment donné, un œuf à coque résistante, incapable de mouvement. Cet œuf pour le scolex des insectes est la chrysalide ou la nymphe (car on emploie déjà ces deux termes), d’où sortira l’animal parfait. Le scolex, malgré les apparences, n’est jamais qu’un œuf mou en cours de développement, soit qu’il tire de lui même la nourriture nécessaire, soit qu’il l’emprunte au dehors comme fait la chenille (Gen. III, 81-83).

L’anatomie d’êtres aussi petits que les Insectes était naturellement inabordable pour Aristote et certains philosophes leur avaient même refusé l’existence de viscères[1]. Il note que le corps des Insectes présente en dessous une série d’entailles qui permettent aux plus longs de se rouler en boule ; d’autres, comme les Canthares[2], savent se raidir et faire le mort. Le sectionnement du corps et le nombre de pattes sont d’ailleurs, comme on l’a vu, en rapport avec l’existence de plusieurs principes de vie. Les Insectes qui ont le moins de pattes, ont seuls des ailes[3] ; les plus petits n’en ont que

  1. Aristote leur attribue un « intestin avec une seule circonvolution », sans qu’il soit aisé de savoir ce qu’il entend par là.
  2. Nos Taupins.
  3. En effet les Araignées qui ont huit pattes, les Scolopendres et les Iules qui en ont un grand nombre, ne présentent point d’ailes comme les Héxopodes.