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à l’expulsion des produits génitaux et des excréments. Par suite, il faut que le produit mâle puisse être porté dans ce canal, que ce soit d’ailleurs du sperme, un organe ou tout autre potentiel (εἴτε σπερμα εἴτε μόριον εἴτε ἄλλην τινὰ δύναμιν). C’est peut-être à dessein qu’Aristote se sert ici de ces expressions ; peut-être doutait-il lui-même de l’abandon de ce bras dont lui parlaient les pêcheurs (Gen., I, 29) ; on peut aussi supposer s’il a connu les spermatophores des céphalopodes, qu’il a dû les prendre en effet pour des organes. Il semble admettre cependant que le liquide séminal du mâle fournit aux œufs l’enveloppe qui les agglutine (Gen. III, 77). En tous cas il a très bien vu les jeunes attachés à l’œuf (= vesicule ombilicale) par la région de la bouche et cela ne saurait être autrement, remarque-t-il, puisque chez cet animal les extrémités antérieure et postérieure sont rapprochées à se toucher (Gen. III, 78).

VIII. Crustacés. L’étude des Crustacés n’est pas moins intéressante que celle des Céphalopodes. Aristote décrit leur tube digestif, le seul appareil qu’il pouvait aisément reconnaître dans des examens qui n’étaient pas en réalité des dissections. Il note le grand nombre de pattes, la différence des deux pinces du Homard, l’une plus allongée et armée de dents petites et en scie, l’autre plus massive avec de grosses dents tuberculeuses, puissantes comme des molaires. Il attribue la première disposition à la pince droite. Ceci n’est pas constant au moins sur la côte océanienne, mais il peut en être autrement dans la Méditerranée, et le fait mériterait d’être contrôlé.

Les crustacés s’accouplent, dit-il, l’un sur le dos, l’autre sur le ventre (Gen. I, 28), ce qui est vrai en particulier de l’Écrevisse. Les mâles ont des testicules filiformes, et chez les femelles la matrice (= ovaire) divisée en deux portions environne l’intestin. Aristote toutefois n’a pas vu la double vulve à la base des troisièmes pattes et il paraît croire que les œufs sont émis par l’anus (Gen. I, 29) ; mais il sait que les femelles ont la queue (l’abdomen) plus large pour placer leurs œufs (Gen. III, 77). Les Crustacés se divisent en quatre genres (Des parties, IV, 8) nettement caractérisés : 1o Les Astacus ou Homards ; 2o les Karabos ou Langoustes ; 3o les Crevettes ou Karides et 4o les Crabes (Hist. des Anim., IV, ii[1]).

  1. La même énumération se retrouve au traité Des Parties, IV, 8, mais il semble y avoir eu dans le texte substitution des mots Karabos et Astacus. Il est spécifié « que les Crabes seuls et les Karabos ont des pinces véritables. Les Astacus en ont également parce qu’ils appartiennent à un groupe d’animaux dont la nature est d’avoir des pinces, mais elles sont déformées parce qu’elles ne servent pas au but pour lequel elles ont été faites, mais à la marche. » Tout ceci paraît s’appliquer très bien à la Langouste, et de même ce qui est dit des pinces du Karabos au Homard.