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G. POUCHET. — la biologie aristotélique

partage l’erreur, encore très accréditée de nos jours, que les Cétacés rejettent par l’évent l’eau qu’ils ont engouffrée par la bouche ; et tout en indiquant bien la place de l’évent, il ne semble pas y reconnaître les narines. Les Cétacés, ajoute-t-il, dorment la tête au dessus de l’eau et même on dit que les dauphins ronflent, erreur due sans doute au bruit que fait la respiration de ces animaux et qui s’entend toujours d’assez loin.

VII. Mollusques. Aristote appelle ainsi les Céphalopodes et la connaissance qu’il en a, reste un sujet d’étonnement pour les zoologistes de nos jours. Il décrit leur manière de s’accoupler et le fait curieux de l’abandon par le Poulpe mâle d’un de ses bras dans le manteau de la femelle. On l’avait oublié. Ce bras trouvé dans le corps des femelles fut même regardé par Cuvier comme un ver intestinal et on lui donna un nom. De longues discussions s’élevèrent à ce propos, qui étaient déjà tranchées, comme on le vit ensuite, dans les écrits d’Aristote.

Les Céphalopodes ont certainement beaucoup captivé son attention. On peut regarder comme probable qu’il s’en faisait sur les marchés une consommation encore plus grande que de nos jours, et nous voyons par un passage de l’Histoire des animaux que les pêcheurs savaient placer dans la mer des baguettes afin que les Seiches y vinssent enrouler leurs œufs. Aristote décrit minutieusement toutes les particularités visibles de l’organisation de ces êtres, l’espèce de langues qu’on aperçoit entre leurs mandibules, leur gésier rappelant celui des oiseaux en avant de deux estomacs (Des parties, IV, 5), la poche à encre avec ses variétés selon les espèces, et son usage, l’infundibulum, le cartilage céphalique, et les branchies qu’il décrit comme des chevelus (τιχώδη ἄττα).

Il connaît aussi les mœurs des divers genres de Mollusques, tant ceux qui vivent à la côte, que ceux de la haute mer[1]. Il sait qu’ils s’enlacent pour s’accoupler, au moyen de leurs bras en se saisissant par la tête. Ce mode a sa raison d’être dans le reploiement du corps de ces animaux dont les manuscrits originaux d’Aristote devaient donner, comme nous l’avons dit au commencement de cette étude, un dessin plus ou moins schématique. Le philosophe décrit le canal excréteur de la matrice comme se confondant à sa terminaison avec l’intestin il s’agit ici évidemment de l’infundibulum, qui sert en effet

  1. Chez le Poulpe, Aristote appelle tête ce qui est en réalité le corps de l’animal (Des parties, IV, 9). On retrouve une conception pareille dans l’art japonais où le corps du poulpe est souvent figuré comme un crâne fantastique surmontant les yeux et les huit bras de l’animal garnis de leurs ventouses.