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rapprochées les pattes ou nageoires se gêneraient réciproquement ; trop éloignées elles seraient insuffisantes, et d’autre part ces animaux ne sauraient en avoir plus de quatre ; autrement ils en seraient plus des Sanguins.

Aristote marque très bien la différence d’allure entre les Sélaciens et les autres poissons, la lenteur relative des uns comparée aux mouvements rapides des autres[1]. Il décrit le cœur des poissons, avec sa portion bulbaire (φλεβονευρώδης) placée au point commun d’origine de toutes les branchies (Respiration, XVI) ; il semble même l’avoir vue se diviser (en artères branchiales), ce qui suppose un examen assez attentif.

Aristote qui connaît et décrit parfaitement le mode ordinaire de fécondation des poissons[2] semble admettre cependant, chez certaines espèces, une sorte d’accouplement très rapide, tandis que celui des Cétacés et des Sélaciens dure toujours longtemps (Gen. III, 65). Il n’y a plus à vanter le mérite d’Aristote comme observateur, mais nous ne pouvons nous empêcher de remarquer une fois de plus que des faits longtemps inconnus de nos Ichthyologues, cet accouplement rapide, et même ces mâles que le naturaliste grec nous montre recueillant dans leur bouche les œufs que la femelle vient de pondre, sont autant de particularités observées dans ces dernières année sur des poissons exotiques tels que le Macropode, et qui pourraient fort bien exister aussi sur des espèces européennes, où on les découvrira peut-être quelque jour, comme on a retrouvé le mode de fécondation des Céphalopodes qu’Aristote connaissait fort bien, et qu’on a cru décrire comme une chose toute nouvelle au milieu de ce siècle.

Aristote cite un poisson appelé βελόνη[3], qui, au lieu de pondre de petits œufs comme les autres poissons, en a de gros, si bien que son corps en éclate (Gen. III, 55). C’est évidemment des Lophobranches qu’il est ici question et de la poche incubatrice du mâle ouverte comme une longue fente sous son ventre.

VI. Cétacés. Les Cétacés sont des poissons, mais qui diffèrent des autres par l’absence d’ouïes et l’existence d’un évent. Ils ont un poumon et respirent l’air, parce que les gros animaux ont besoin de plus de chaleur pour se mouvoir (Des parties, IV, 15). Quand ils sont pris dans des filets, ils ne tardent pas à mourir étouffés. Aristote

  1. Cette vue est très juste, malgré certaines exceptions chez des Téléostéens, dont quelques-uns, comme le Turbot, ont la même lenteur de mouvements que les Sélaciens.
  2. Voy. plus haut, t. XVIII, p. 373.
  3. Ce nom est aujourd’hui donné à une espèce toute différente.