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G. POUCHET. — la biologie aristotélique

possède à la fois des nageoires (= membres antérieurs, voy. plus loin) et des pieds. Il a de plus les dents aiguës, comme les poissons. La Chauve-souris n’est pas un quadrupède[1], elle n’est pas davantage un oiseau puisqu’elle vole avec des membranes au lieu d’ailes et n’a pas de queue empennée, caractères par excellence des volatiles[2] (Des parties, IV, 13).

On remarquera que cette préoccupation, pour classer les animaux, de l’élément qu’ils habitent est des plus légitimes puisque celui-ci suppose en définitive des différences correspondantes dans leur organisation. Ceci nous explique en même temps que le naturaliste grec n’ait pas saisi les rapports qui unissent les Insectes, et particulièrement ceux qui ne volent pas, comme le Scorpion ou la Scolopendre, aux Crustacés, malgré la très grande ressemblance extérieure de ces animaux, les uns et les autres faits de segments et munis de pattes nombreuses : c’est que les uns vivent dans l’air et les autres dans l’eau. Pour la même raison encore, les Cétacés, bien que vivipares et respirant l’air, sont cependant des Poissons, moins peut-être en raison de leur forme que de leur habitacle.

On peut donc en somme ramener à trois les caractères sur lesquels Aristote base sa classification : 1o la présence ou l’absence de sang ; 2o le milieu qu’habite l’animal ; — 3o son mode de reproduction. Ces caractères valent ceux que nous invoquons aujourd’hui. Ils révèlent, chez le naturaliste qui a su s’y arrêter, un profond esprit de méthode, puisque cette classification basée sur la comparaison de quatre cents espèces animales environ, n’a subi aucune atteinte sérieuse des prodigieux accroissements du catalogue zoologique par vingt siècles de découvertes. Nous ne reprendrons pas en détail la zoologie d’Aristote, elle a déjà fourni matière à de nombreux mémoires[3]. Nous nous bornerons à quelques remarques, qui n’ont pu trouver place au cours de cette étude, à propos des divers groupes d’animaux qu’il établit.

I. Quadrupèdes vivipares (Mammifères). Aristote délimite très bien parmi ces animaux le groupe que nous désignons aujoud’hui sous le nom de Ruminants. Il en fixe les caractères généraux avec une précision remarquable, sans se laisser influencer par les excep-

  1. Nouvelle preuve de cette ignorance du squelette dont nous avons parlé ailleurs. Voy. ci-dessus, t.  XVIII, p. 537.
  2. Voy. ci-dessus, p. 289.
  3. Voy. les introductions de Camus (1783) et de MM. Aubert et Wimmer (1868) à leurs traductions de l’Histoire des animaux. Citons encore : J. Müller, Ueber den glatten Hai des Aristoteles, u. s. v., (Mém. de l’Académie de Berlin, 1840). — J. Schneider, Ueber den von a beschriebenen gattungen von krebsen, 1807. — Young, On the Malacostraca of Aristotle (Ann. and Mag. of Nat. History, 1865.) etc…