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vent vu de ces animaux en Grèce. Aristote nous parle de la taille du petit éléphant quand il vient au monde, gros comme une génisse (μόσχος) (Gen., IV, 86). Il nous donne même la durée de la gestation (Gen., IV, 122) de la femelle, deux ans. Or on était resté jusque dans ces dernières années fort indécis sur ce point particulier. Deux ou trois observations qu’on possédait tout au plus, avaient permis de fixer cette période à 21 ou 23 mois : c’est sensiblement la durée indiquée par le philosophe grec, surtout si on la compte par mois lunaires.

Au contraire, le Bison, le Lion, refoulés déjà sans doute à cette époque dans les montagnes de Thrace ou plus loin encore s’estompent dans un demi-jour fabuleux. Le Bison, poursuivi, se défend en lâchant ses excréments. Quant au Lion, c’est un animal tout à fait extraordinaire : il n’a qu’une vertèbre au cou, ses os n’ont pas de moelle, il n’a que deux mamelles au milieu du ventre (Des parties, IV. 10). La première portée de la lionne est toujours de 5 ou 6 petits, puis chaque année ce nombre diminue d’un ; après le dernier elle reste stérile (Gen., III, 11). Le Chat est lui-même très rarement cité ; une seule fois dans l’Histoire des Animaux (V. ii.), où son accouplement est décrit à côté de celui du Loup et du Chameau. On en peut conclure qu’on n’avait à cette époque, en Grèce, que fort peu ou même point de chats à l’état domestique.

Bien qu’en différents lieux de la collection aristotélique les groupes entre lesquels sont partagés les animaux ne soient pas exactement les mêmes ni rangés dans le même ordre, les différences sont toujours légères et n’altèrent en rien le principe sur lequel sont basées les divisions. La classification d’Aristote est « naturelle », c’est-à-dire qu’elle tend à grouper ensemble les animaux qui offrent les mêmes caractères fondamentaux. Le naturaliste grec sait de plus fort bien distinguer ce qui appartient à l’espèce, de ce qui est purement individuel, comme la qualité de la voix, la couleur des yeux, du pelage ou des plumes (Gen., V, 1).

Aristote, nous l’avons indiqué déjà, divise d’abord les animaux en deux catégories : ceux qui ont du sang (rouge) et ceux qui n’en ont pas. Les Sanguins répondent exactement à nos vertébrés ; ils ont généralement quatres membres et n’en sauraient avoir davantage. Ce point est très nettement établi par Aristote et il a son importance. On sait aujourd’hui qu’un certain nombre de vers ont du sang rouge renfermé dans un vaisseau qu’on voit battre sur leur dos. Mais Aristote eût-il connu cela, qu’il n’aurait point classé très certainement ces vers au nombre des Sanguins ; ceux-ci ne sont pas du