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G. POUCHET. — la biologie aristotélique

attribuant aux peuples septentrionaux une vie plus courte qu’à ceux des pays chauds. Le contraire est la vérité, quand toutefois l’état de barbarie n’intervient pas : entre les Grecs civilisés et les Sarmates sauvages, le rapport a pu être celui qu’indique le naturaliste grec. Comment d’ailleurs se serait-il fait une idée juste de ces contrées d’un accès aussi difficile en ce temps là, que les Indes ou le pays de la soie pour les voyageurs du moyen âge ? « Les animaux qui ont peu de sang ou qui n’en n’ont pas, dit-il, ne se rencontrent plus du tout dans les régions septentrionales, ni sur le sol ni dans les eaux ; ou bien, si on en trouve encore, ils sont beaucoup plus petits et meurent de très bonne heure (Long., V, 9). »

Aristote ne s’est pas borné à ces grandes vues d’ensemble qui font de notre philosophie le véritable fondateur de la zoologie générale ; il inaugure aussi comme nous l’avons dit, la zoologie systématique : il propose une classification, incomplète à la vérité puisqu’elle s’arrête à la délimitation des groupes principaux, (quelque chose comme nos types ou nos classes), mais qui, dans ces bornes, peut soutenir la comparaison avec le Systema Nature de Linné.

Le nombre des espèces mentionnées dans l’Histoire des animaux et dont on a pu établir l’identité, est d’environ 400 ; c’est un des grands intérêts de ce livre. Il n’y a pas lieu de s’arrêter à la fable rapportée par Pline, qu’Alexandre avait fait travailler une armée de soldats pour son ancien maître et lui avait envoyé d’Asie d’immenses richesses naturelles. Parmi les animaux étrangers à la Grèce, Aristote ne mentionne guère que le Chameau, dont il connaît les deux espèces (Hist. anim., II, 1), l’Autruche qu’il a certainement vue et qu’il a bien observée, enfin l’Éléphant[1].

Pour le Chameau les interpolations sont certaines : nous en signalons une plus haut[2]. Mais, pour l’Autruche et l’Éléphant, il est beaucoup plus difficile d’attribuer à un autre qu’à Aristote les détails rigoureusement précis qui nous sont donnés sur certains points de leur organisation. Sans doute, dans la Grèce raffinée d’alors, comme plus tard à Rome, on aimait le spectacle de ces animaux singuliers. Un siècle après Aristote, Pyrrhus embarquera pour l’Italie une troupe d’éléphants dressés à la guerre ; nous savons qu’il en avait encore 19 à la bataille d’Asculum, rien de surprenant dès lors que déjà au temps de Philippe de Macédoine, et bien que les grandes relations avec l’Orient et l’Égypte ne fussent pas encore établies, on ait sou-

  1. Il convient d’ajouter l’Aspic, le Crocodile, l’Hippopotame, peut-être le Rhinocéros, etc.
  2. Voy. t.  XVIII, p. 365.