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A. BINET et CH. FÉRÉ. — hypnotisme et responsabilité

térale, l’action de l’aimant peut la faire passer du côté opposé[1].

À côté des hallucinations, et souvent en conséquence d’hallucinations, on peut provoquer des impulsions d’actes dont la violence et la rapidité varient avec l’énergie de la suggestion et l’intensité de l’hallucination. Ces actes sont logiques, étant donné l’état mental du sujet. Inversement des suggestions différentes peuvent déterminer des anesthésies et des paralysies[2]. Les anesthésies peuvent porter soit sur la sensibilité générale soit sur la sensibilité spéciale tantôt généralisées, tantôt systématisées à la sensation et à la perception d’un objet donné. Ces anesthésies ont été signalées depuis longtemps et étudiées notamment par M. Durand, de Gros[3], qui fait remarquer à, propos de la perte de la vision que malgré l’absence de toute sensation visuelle la pupille continue à réagir à l’action de la lumière.

Quant aux paralysies motrices qui, elles aussi, peuvent être générales, localisées ou spécialisées, elles présentent souvent des caractères objectifs qui les rapprochent des paralysies de cause organique[4].

III. En somme il existe dans l’état de somnambulisme provoqué un certain nombre de phénomènes objectivables qui peuvent mettre à l’abri de la supercherie, et capables d’établir la possibilité d’autres faits plus ou moins analogues produits dans le même état.

Un hypnotisable peut donc prétendre avoir été victime d’une violence quelconque tout en reconnaissant qu’il n’a aucune notion des circonstances du crime ni de son auteur ; et la vraisemblance de son affirmation peut être admise s’il est prouvé expérimentalement qu’il peut être hypnotisé et qu’il présente un certain nombre de phénomènes objectifs caractéristiques ; mais cette preuve ne peut être faite que s’il se soumet volontairement à l’expérience.

D’autre part un hypnotisable accusé d’un crime ou d’un délit peut objecter qu’il a agi sous l’influence d’une impulsion suggérée pendant le sommeil hypnotique. Dans ce cas il est nécessaire d’établir matériellement : 1o que le sujet est hypnotisable ; 2o qu’il a été hypnotisé, 3o qu’il a été victime de la suggestion qu’il incrimine.

Toutes les fois qu’un accusé invoque l’hypnotisme il doit en faire la preuve et par conséquent se soumettre à une expertise basée sur l’expérimentation. Il devra en être de même pour tout individu qui

  1. Féré et Binet. — Note sur le transfert chez les hypnotiques. (Soc. de biol. 1884.) — Le transfert (Revue philos., janvier, 1885.)
  2. Binet et Féré. — Les paralysies par suggestion. (Rev. scient., juillet 1882.)
  3. Durand, de Gros (Philips). — Cours théorique et pratique de braidisme ou hypnotisme nerveux, etc. Paris, 1860, p. 113.
  4. Richer et Gilles de la Tourette. — Note sur les caractères cliniques des paralysies psychiques expérimentales. (Progrès médical, 1884, p. 241.)