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Ce qui précède ne s’applique qu’aux suggestions et aux hallucinations temporaires ne persistant que pendant la durée de l’état cataleptique ; mais il est possible, pendant ce même état, de suggérer des hallucinations qui durent après le réveil et dont la sincérité peut être mise en évidence par les divers procédés mis en usage pour la vérification des hallucinations de l’état de somnambulisme provoqué, dans lequel le sujet répond plus facilement aux questions et témoigne de ses sensations fausses[1].

Quant à l’état de somnambulisme provoqué on peut dire que c’est l’état médico-légal par excellence de l’hypnotisme. En effet le sujet peut être, aussi bien au repos que sous l’influence des suggestions, victime de toutes les violences qu’on voudra bien imaginer ; et il est passible de le faire participer à toutes sortes d’actes délictueux ou criminels. Si on ne peut pas dire qu’on a épuisé, le sujet à ce point de vue, il est cependant nécessaire de reconnaître : que les divers expérimentateurs qui se sont occupés de magnétisme et de spiritisme depuis un siècle ont parcouru la plus grande partie du champ que l’on explore de nos jours.

Ce qui distingue les études contemporaines, et nous ne nous las sons pas de le répéter, ce qui doit les distinguer, c’est la méthode. Or la méthode nouvelle, la méthode nosographique, est parfaitement applicable aux faits du somnambulisme, tout comme aux faits de la catalepsie et de la léthargie ; aussi bien dans le premier état que dans les deux autres, on peut se tenir à l’abri de la simulation. Nous avons rappelé précédemment les caractères somatiques du somnambulisme provoqué ; nous n’y reviendrons pas, mais nous nous arrêterons un instant sur les caractères objectifs des hallucinations provoquées dans cet état. Nous insisterons surtout sur les hallucinations de la vue, parce que ce sont celles-là qui sont plus faciles à explorer, et elles nous permettent de déduire la sincérité des hallucinations des autres sens.

Les hallucinations de la vue que l’on peut provoquer par suggestion verbale, ou par tout autre procédé, ont, pour caractères principaux de pouvoir être dédoublées par la présence d’un prisme devant un des yeux ou par la déviation mécanique. Leur objet peut être grossi ou diminué de volume par la lorgnette, il peut être réfléchi par un miroir, etc. S’il s’agit d’un objet coloré il peut donner lieu à la sensation subjective d’une couleur complémentaire, etc.[2], enfin s’il s’agit d’une hallucination. unila-

  1. A. Binet. — L’hallucination (Revue philosophique, Avril et mai 1884.)
  2. A. Binet. — L’hallucination. (Revue philosophique, loc. cit.).