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plastiques ainsi obtenues sont aussi permanentes que celles de la catalepsie en général.

Le sujet cataleptique peut encore être impressionné par les organes des sens[1]. Ainsi, si on frappe vivement son attention en lui parlant brusquement, on peut lui suggérer l’idée qu’il entend une voix amie ou détestée et tout de suite la physionomie prend l’expression de l’affection et de la joie, ou de la haine et de la terreur.

Si on attire son regard en agitant la main devant ses yeux et que, par des gestes appropriés, on figure un objet agréable ou horrible, on provoque les mêmes modifications de l’expression ; on les reproduirait de même en faisant porter les suggestions sur les sens du goût ou de l’odorat.

Mais, tandis que, par l’intermédiaire du sens musculaire, on n’obtient que des attitudes fixes, des actes purement mécaniques en quelque sorte, lorsqu’on agit sur les sens spéciaux, on peut provoquer des mouvements automatiques combinés et rationnels d’une certaine durée. Ainsi, si on suggère au sujet l’idée d’un bruit terrible et continu ou d’un animal effrayant qui le poursuit, il fuit en poussant des cris de terreur ; si on lui suggère l’idée d’un oiseau qu’on lui met dans les mains, il le caresse quelques instants avant de retomber dans l’immobilité cataleptique.

Dans cet état, les sens peuvent devenir le point de départ de mouvements automatiques beaucoup plus prolongés que l’on peut s’expliquer par la persistance de l’impression sensitive, et par une association automatique d’idées, qui fait que le contact d’un objet suggère l’idée de s’en servir, à condition toutefois que le sujet en connaisse préalablement l’usage : un objet inconnu ne provoque aucune suggestion[2].

On comprend qu’en armant un tel sujet, on peut lui faire commettre automatiquement tel crime que l’on voudra bien imaginer, et dont il ne conservera aucun souvenir lorsque réveillé il sera devenu une autre personne.

Certains actes qui ne sont pas purement mécaniques, comme l’action d’écrire, ne sont pas suggérés par le seul contact de l’instrument qui sert à les accomplir. Si on met une plume entre les doigts de B. en catalepsie, elle la saisit mais mollement, et la laisse tomber au bout de quelques instants sans avoir fait un mouvement pour s’en servir. Si, tandis qu’elle la tient, on lui dicte les mots les uns après

  1. Bourneville et Regnard. — Iconographie photographique de la Salpêtrière, t.  III, p. 149. — P. Richer. — Études cliniques sur la grande hystérie, in-8o, 1881.
  2. Voy. Féré, loc. cit.