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consciente ou un pur automate dont les réactions cérébrales ne s’accompagnent de rien de psychique.

En disant que l’hypnotique est inconscient de tout ce qui se passe autour de lui et de tout ce qu’on provoque sur lui, nous voulons simplement dire qu’il n’en conserve aucun souvenir après son réveil. Dans le sommeil somnambulique, il se souvient des événements qui se sont passés pendant la veille, mais une fois éveillé, il ne se souvient pas de ce qui s’est passé pendant le sommeil provoqué. De là deux phases bien distinctes dans son existence, deux conditions de son intelligence. L’état naturel, ou état de condition première, comme dit M. Azam, pendant lequel la mémoire s’étend à tous les événements de la veille ; puis l’état artificiel, l’état de condition de seconde, en d’autres termes le sommeil nerveux, pendant lequel le sujet se souvient et de ce qui s’est passé pendant la veille et de ce qui s’est passé pendant le sommeil. Il est intéressant de remarquer à ce propos que si le sujet a été endormi plusieurs fois, à des époques différentes, il se souvient en général, à chacune de ces époques, des phénomènes qui ont eu lieu dans ses précédents sommeils ; la mémoire établit une sorte de communication entre les diverses parties de l’état de condition seconde.

C’est dans ce sens qu’il est exact de dire que l’inconscience est la caractéristique de l’état mental dans le grand hypnotisme ; peu importe qu’il y ait un certain degré de conscience en éveil pendant cet état ; cela n’a pas d’intérêt pratique. Ce qu’il est important de savoir, c’est que tout se passe comme s’il n’y avait pas eu de conscience du tout, car l’hypnotique ne conserve au réveil aucun souvenir.

Cette absence de souvenir existe même lorsque le sujet a subi une violence qui a provoqué un ébranlement douloureux plus ou moins durable. Dans le cours d’une expérience, un de nos sujets en état de léthargie tombe de son haut et se choque violemment la tête contre le pavé ; cette excitation ne suffit pas à provoquer le réveil qui n’eut lieu que quelques temps après par un souffle sur le visage : revenu à lui le sujet s’étonne d’avoir la tête endolorie, il a la sensation d’un violent coup de poing ou d’un choc, mais il ne comprend pas d’où cela peut venir. Nous nous croyons donc en droit de dire que, dans le grand hypnotisme, un sujet peut subir les violences les plus variées, sans en conserver aucun souvenir, ni aucune sensation si la violence n’a pas déterminé de lésions persistantes telle que l’attrition des tissus résultant d’un choc violent, telle qu’une solution de continuité de la peau ou des membranes muqueuses, etc.

Dans le petit hypnotisme il paraît en être autrement. M. Hack