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exploration jusque-là considérée comme peu digne des esprits vraiment scientifiques.

L’hypnotisme touchant au merveilleux par son passé, a eu ce privilège de provoquer la curiosité non seulement des savants mais encore des gens du monde. Des exhibitions qui n’avaient rien de scientifique ont porté à la connaissance du public un certain nombre de phénomènes d’ordre somatiques et psychique susceptibles d’applications criminelles ; le sommeil hypnotique a même figuré dans plusieurs drames judiciaires ; ce n’est donc pas sans raison que l’un de nous a appelé l’attention sur l’étude de l’hypnotisme au point de vue médico-légal[1] dans une note où il n’était question que du grand hypnotisme caractérisé par des phénomènes somatiques mis en lumière suivant les règles de la méthode nosographique[2].

Depuis cette époque M. Liégeois[3], qui n’avait sans doute pas eu connaissance de ce travail, a communiqué à l’Académie des sciences morales et politiques un mémoire sur le même sujet envisagé à un point de vue un peu différent, et qui a été le point de départ de vives discussions. Le mémoire de M. Liégeois ne tenant aucun compte des récentes acquisitions de la science constitue un véritable anachronisme et nous parait tout à fait de nature à compromettre la cause qu’il se proposait de défendre ; aussi avons-nous cru utile de reprendre de nouveau cette question qui d’ailleurs mérite d’être développée.

Cette étude ne peut être basée que sur une connaissance exacte des phénomènes observés sur les hypnotiques ; car, en somme, toute question médico-légale se résout dans un diagnostic clinique appuyé sur des faits précis et ne nécessitant aucune interprétation. Faire la médecine légale de l’hypnotisme revient à considérer spécialement les phénomènes sur lesquels l’observateur peut acquérir une conviction absolue qu’il sera en mesure de faire partager, en s’appuyant sur des faits susceptibles de preuves matérielles.

Les hypnotisables peuvent se prêter à des considérations médico-légales, dans des circonstances très diverses qu’il convient d’étudier séparément. Ces sujets ont en effet une constitution spéciale de leur

  1. Gh. Féré. — Les hypnotiques hystériques considérés comme sujets d’expérience en médecine mentale ; illusions, hallucinations, impulsions irrésistibles provoquées ; leur importance au point de vue médico-légal. (Société médico-psychologique, mai 1883.)
  2. J. Charpignon (Rapports du magnétisme avec la jurisprudence et la médecine légale, 1860), s’est surtout préoccupé de rechercher si la pratique du magnétisme ne peut pas constituer le délit d’exercice illégal de la médecine.
  3. Liégeois. — De la suggestion hypnotique dans ses rapports avec le droit civil et le droit criminel. (Ac. des se. m. et p., avril et mai 1884.)