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Dr SIKORSKI . — l’évolution psychique de l’enfant

cris qu’il pousse réagissent sur lui de manière à produire une impression désagréable et l’obligent à recourir à l’effort de la volonté pour les étouffer ; tandis que l’enfant mutin s’écoutant crier, augmente volontairement ses cris, et crie d’une manière hystérique, circonstance que les adultes observent facilement. Un enfant de la première catégorie est habitué à agir à la suite des impulsions de la raison et de la volonté, et tout acte, émanant du sentiment seul, lui paraît étrange, inaccoutumé, et il s’efforce de le réprimer ou de le faire cesser totalement. L’enfant de la seconde catégorie agit d’une manière opposée.

Les caprices sont le trait caractéristique des enfants de cette dernière catégorie. En proie aux caprices, ils essayent de lutter contre les adultes sur un terrain purement psychique. Cette lutte forme ordinairement le fond du caprice infantile. Les caprices, comme on le sait, ne se montrent pas dans la solitude ; ils ne se rapportent ni aux choses, ni aux animaux, C’est exclusivement contre les adultes qu’ils sont dirigés. Lorsque l’enfant est en proie aux caprices, il ne s’agit pas pour lui d’atteindre un but quelconque, de voir son désir accompli, mais bien de satisfaire la première émotion psychique venue, sans vouloir faire un effort de volonté pour les réprimer. Aussi les caprices infantiles ne sont qu’une espèce de combats livrés aux adultes. La nocivité absolue des caprices et leur action désorganisante sur le caractère de l’enfant sont hors de doute. Ajoutons que les caprices réitérés et opiniâtres doivent ouvrir les yeux des parents sur l’état réel des choses ou plutôt sur les défauts de l’éducation. Si l’on a commencé à développer de bonne heure chez l’enfant la faculté de supprimer ses émotions, les caprices n’apparaissent presque jamais ; et si même ils apparaissent quelquefois, ils sont si insignifiants que les parents n’ont pas à lutter contre eux et qu’ils peuvent tout bonnement les ignorer. Si le mal existe déjà, l’emploi de la force grossière ne peut être qu’une faute grossière : alors même que l’enfant a recours à l’action psychique subtile, il n’y a plus lieu d’employer la force grossière, il faut avoir recours aussi aux moyens subtils. On cesse parfois de converser avec l’enfant, on se tait pendant plusieurs jours. C’est un moyen peu efficace ; il ne peut réussir que dans les cas, où l’on croit pouvoir fatiguer l’adversaire par l’attente de la solution. C’est par conséquent une méthode applicable là, où l’on présume la faiblesse de la volonté infantile. Mais il arrive plus souvent que le fond des caprices n’est point une volonté faible, mais une volonté non exercée dans la suppression des affections et qui est jointe à l’habitude contractée de vivre au milieu des affections et des émotions psychiques. Il résulte, de ce qui précède, que la méthode de correction à appliquer à l’enfant mutin est nécessairement plus compliquée.