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Dr SIKORSKI . — l’évolution psychique de l’enfant

le plus important dans tous ces exercices, c’est que les enfants apprennent à observer et à diagnostiquer les passions dès leurs débuts.

Le concours direct de l’adulte, prêté à l’enfant, constitue le troisième facteur dans le fait de la suppression des affections. Ce concours doit être continuel, méthodique. Si les parents se donnent la peine d’aider l’enfant à supprimer ses émotions, et cela en le tranquillisant, en attirant son attention sur d’autres objets, en exigeant de lui l’apaisement, sans toutefois lui imposer aucune violence, mais seulement en l’enduisant à exercer sa volonté ; si les parents emploient cette méthode d’exercices, alors l’enfant apprendra de bonne heure à se maîtriser. L’erreur la plus grossière des éducateurs consiste à faire paraître, en présence de l’enfant, ces mêmes affections qu’ils veulent faire supprimer, telles que la colère, la crainte, la confusion. Ces affections s’inoculent très facilement. Une erreur non moins funeste est celle de témoigner de l’intérêt à l’enfant pendant qu’il pleure cela ne fait que augmenter l’état émotionnel, dans lequel il se trouve. C’est sans doute le devoir de ceux, qui sont auprès des enfants, d’avoir pitié d’eux lorsqu’ils souffrent quelque douleur, mais nullement de le leur témoigner[1]. Secourez-les, soulagez-les autant qu’il vous sera possible, mais ne leur faites point paraître que vous êtes sensiblement touché de leurs maux. Ces plaintes attendrissent le cœur, et sont cause que le moindre mal qui leur arrive pénètre fort avant en eux. La nécessité du concours des adultes aux enfants dans l’art de supprimer leurs affections est prouvée, plus que par une autre chose, par ce seul fait qu’il manque très souvent aux enfants, comme chacun peut s’en convaincre, de savoir se contenir et non de bon vouloir.

Si les enfants ne savent pas se contenir, c’est par suite d’un défaut d’éducation, défaut d’autant plus triste que, pour la plupart, ils se laissent très facilement discipliner pour ce qui est de la suppression des émotions.

L’époque de l’apparition de la colère n’est pas précisée d’une manière positive[2] ; mais comme cette affection se montre déjà dans la deuxième année de la vie, il en résulte qu’il faut dès la première année exercer la volonté de l’enfant à la réprimer. Les enfants, auxquels on ne l’a pas enseigné, deviennent facilement récalcitrants. Quelle est cette dernière affection et comment se développe-t-elle ? Cette question est de la plus haute importance dans l’hygiène de

  1. Locke, loc. cit., pag. 157.
  2. On suppose en général que la colère et d’autres affections se développent déjà pendant la première année de la vie. (V. Uffelmann, Hygiene des Kindes, etc., p. 348, et de plus Vierordt, Physiologie des Kindesalters, p. 478, in Gerhardts Handbuch der Kinderkrankheiten, 1881.)