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3o Le concours immédiat de l’adulte pour lui venir en aide. Examinons d’abord les deux dernières conditions, nous reviendrons plus tard sur la première.

Il arrive quelquefois que non seulement l’enfant, mais l’adulte lui-même, marchent à tâtons dans leurs états affectifs.

J’ai pu me convaincre qu’il est d’une grande utilité de démontrer à l’enfant les espèces, les degrés et les phases de ses affections, non point au moment même de leur effervescence, mais après. Les enfants font volontiers, pour la plupart, une analyse rétrospective de leurs émotions psychiques. Si vous attirez l’attention de l’enfant, qui vient justement de retenir ses pleurs, sur son état subjectif, ou si vous lui rappelez comment, à la suite d’un accès de peur, son cœur a battu violemment et son visage s’est couvert de pâleur ; si vous accomplissez, en un mot, le travail de l’artiste, qui peint la pose, l’expression des traits et d’autres indices de l’affection, vous pouvez, de cette manière, accoutumer de très bonne heure l’enfant à l’analyse subjective. L’éclaircissement des émotions psychiques est très utile, en ce qu’il fait comprendre à l’enfant qu’il vient d’être victime de la passion. L’utilité d’une pareille méthode se fait surtout sentir dans les disputes et querelles des enfants. Ils observent les affections les uns des autres, et cela les conduit à transporter leurs disputes du terrain des émotions psychiques et de l’irritabilité sur le terrain de la logique, parce que l’adversaire, assistant au spectacle bien connu du jeu de l’affection de son camarade, au lieu de s’abandonner lui-même à la passion, s’en émancipe et s’en défait, en recouvrant lui-même plus de sang-froid. Lorsque des enfants, qui se querellent et sont irrités les uns contre les autres, recherchent voire médiation, vous pouvez commencer tout bonnement par leur expliquer qu’ils sont dans un étai d’excitation, et que dans cet état un jugement raisonnable de leur part est impossible. Vous leur imposez l’apaisement, vous leur indiquez les signes de leur émotion (mouvements brusques, cris et pleurs), vous leur prodiguez des caresses, et tout en gardant le sang-froid et le sérieux. Vous profitez de l’occasion, pour faire entrevoir à l’enfant que sa colère et son irritation a atteint un degré tel que peu s’en est fallu qu’il n’en soit venu aux mains. Mais lorsque l’enfant s’est complètement tranquillisé, et que l’épisode est terminé, vous pouvez essayer de lui rappeler les phases émotionnelles, qui ont risqué de le pousser aux voies de fait. En se représentant son état psychique durant l’épisode, l’enfant maîtrisera mentalement son emportement, sa passion. Ces exercices doivent être souvent répétés et systématiquement dirigés. Il va sans dire que l’éducateur ou le père doivent se conduire de manière à être un modèle. Le point