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Dr SIKORSKI . — l’évolution psychique de l’enfant

moyens pour les combattre. Avicenne donne des indications semblables en résumant les idées de Galien : « Observetur, dit-il, puer ne fortis ira neque timor vehemens ei accidat, neque tristilia, neque vigiliæ : et istud fit considerando semper ut ei adhibeatur quod desiderat, et appetit : et non permittatur esse coram eo aliquid quod ipse abhorreat. Et in hoc duæ consistunt ulilitates : una in ipsius anima ; ut crescat a pueritia existentia bonorum Mmorum, el fiat ei habitus fictus. Et altera est in corpore ipsius ; guoniam sicut mali mores malitiæ complexionis speciem sunt sequentes ita cum ex consuetudine acciderint sequitur eos complexionis malitia consimilis eis[1].

Les caractères des enfants peuvent présenter des différences considérables sous le rapport du développement de tel ou tel sentiment. Galien définit les enfants de la manière suivante : Alii, dit-il, tmidissimi sunt, alii audaces[2]. En observant, pendant longtemps et systématiquement, les caractères des enfants, on arrive à la conviction que les signes d’une prépondérance de tel ou tel sentiment sur les autres se montrent de très bonne heure, même pendant la première année de la vie. Comme le démontrent les exemples que nous venons de citer, on peut découvrir déjà, dans la mimique des pleurs et dans ses accessoires, des traces de telle ou telle affection future prédominante. Ces différences dans l’organisation nervo-psychique des enfants imposent une tâche spéciale à l’éducateur et rendent indispensable l’adaptation à l’individualité des procédés éducatifs. La définition du caractère de l’enfant est d’une importance considérable. Mais elle ne peut être utile que dans les cas où l’on parvient à constater quelle est la sensation qui est développée d’une façon anormale, et quelle est l’affection qui trouble le plus le développement normal de l’esprit de l’enfant. Si la diagnose psychologique du caractère a été posée d’une manière satisfaisante, si ce que Galien désigne par la dénomination de « mores animi », et que de nos jours l’on pourrait définir comme le type d’organisation nervo-psychique — est correctement défini, alors l’éducation de l’enfant peut donner d’excellents résultats. En ce qui concerne en général le problème de régulariser la marche du développement émotionnel, ce sont les trois conditions suivantes qui ont la plus grande importance.

1o Le développement précoce de la volonté, ayant pour but de maîtriser des affections de la colère comme d’autres passions.

2o L’enseignement, à l’enfant, de l’art d’analyser et de diagnostiquer ses passions et leurs différentes phases.

  1. Avicennœ liber canonis, lib.  I, sec. iii, doctr. i, Cap. 4, De regimine infantium cum mutantur ad œtatem pueritiæ.
  2. De moribus animi lib., cap.  ii. (Des mœurs de l’âme.)